Un monde complètement faux. Voilà ce qu'on peut retirer de cet univers bourgeois dépeint par Antonioni dans Femmes entre elles. Un très joli film encore une fois de cette période du cinéma italien des années 50-60 où l'on suit plusieurs personnages féminins dans un univers fait d'apparences et de faux-semblants.
Le personnage principal, Clélia, qui va intégrer ce groupe de femmes, est issue au départ d'un milieu social très modeste. Alors qu'elle retourne à Turin pour donner un nouvel élan à sa vie professionnelle, elle se voit l'occasion de fréquenter la bourgeoisie piémontaise. Le film parle en grande partie de ça, de la manière dont elle apprivoise ses nouvelles amies qui sont très différentes d'elle, oisives, riches et d'une certaine manière ennuyées. Mais il explore aussi sa quête d'identité et son désir de choisir librement son entourage. À travers cette question et le personnage de Clélia, le film parle de ces femmes qui tentent de prendre en main leur destin dans une époque durant laquelle il était difficile de le faire.
J'ai beaucoup aimé le dilemme entre l'amour et le désir d'indépendance auquel est confronté le personnage de Clélia qui montre toute la complexité que cela implique. Le personnage de Carlo propose à Clélia de se marier et de construire une vie à deux, lui offrant donc une relation stable et simple, en opposition à l'indépendance qu'elle s'est forgée.
Or ce choix impliquerait pour elle de renoncer à tout ce qu’elle a conquis et gagné par le travail ce qui est pour elle inenvisageable et qu'elle refusera.
J'ai adoré certains dialogues entre ces deux personnages notamment quand Clélia dit que "c'est ma façon d'aimer et de participer à la vie que de travailler". C'est sublimement dit.
Cette mini dimension tragique, de refuser de sacrifier sa liberté pour l’amour est superbement mis en scène je trouve. Les conflits internes des personnages sont montrés peut-être de manière trop visible, ça manque de subtilité à certains moment. Mais ça n'enlève tout de même rien à leur profonde sincérité. On ressent considérablement le vide et cette monotonie de la vie bourgeoise qui les entoure et à quel point ils sont isolés d'une certaine manière dans leurs tourments.
Autour de cette vision un peu critique de la bourgeoisie, le film tourne pas mal en dérision cette hypocrisie dans les relations humaines. Certains passages sont d'ailleurs très drôles.
Bref je recommande ce film d'Antonioni !