Le chef d'oeuvre d'Hitchcock a fait couler beaucoup d'encre et à raison car c'est un film dirigé d'une main de maitre et avec un soin particulier accordé aux couleurs de l'environnement de ce huit clos.
James Stewart est immobilisé suite à un accident sur une piste de F1. Face à sa fenêtre, il passe le temps en regardant l'arrière court ou chaque fenêtre est une ouverture sur une histoire différente. Il y a d'ailleurs un parallèle entre son immobilisme physique et sa volonté de conserver le status quo avec Grace Kelly qui aimerait qu'ils se marient. C'est le conflit interne du personnage : doit-il l'épouser malgré leurs différence? Pour l'aider à répondre à cette question, chaque fenêtre du voisinage est une réponse différente explorant le thème de l'amour. Dans un studio, un célibataire dynamique, ailleurs, une vieille fille malheureuse ou une ballerine amoureuse. Egalement un couple de nouveaux époux heureux et un couple sans enfants qui reporte son amour sur leur chien. Enfin, un couple qui ne cesse de se disputer.
D'ailleurs à force de regarder, Stewart commence à se persuader d'avoir été témoin de quelque chose de louche, en bon journaliste, il ne peut s'empêcher d'essayer d'en savoir plus.
Les couleurs dans ce film sont splendides et leur valeur n'est pas anodine. Il y a une opposition entre implication et passivité qui est représentée par la saturation des couleurs. James Stewart est spectateur à la fois de l'intrigue mais aussi en amour, donc il est toujours dans des tons fades et sans éclat. Et son appartement est rose pale. En comparaison, l'immeuble d'en face, théâtre dont les acteurs sont tous impliqués pleinement, est rouge vif. La danseuse qui n'a que faire de ses prétendants est dans des tons proches du blanc à l'opposition de Mme Lonelyheart qui prend sa solitude très à coeur et qui porte toujours des couleurs riches. C'est non seulement un choix malin pour caractériser chacun mais c'est également un outil pour le réalisateur lorsqu'on voit ces costumes évoluer. C'est particulièrement le cas pour Grace Kelly, dans ses premières apparitions, elle est en noir et blanc, puis dans un vert délavé. Alors que lorsqu'ils s'impliquent finalement dans l'intrigue, elle porte un habit avec des taches de jaune vif et sur le plan de fin, lorsqu'ils acceptent finalement de construire un projet ensemble malgré leurs différences, elle porte des couleurs vives. Il y aurait beaucoup à disséquer dans ce sujet mais cela serait trop long, je vous invite tout de même à y rester attentif si vous avez l'occasion de le revoir.
Toujours sur le sujet de la direction, il faut admirer les choix d'angles de caméra dans ce film, qui respectent toujours le point de vue de la fenêtre du personnage principal. Cela rends le spectateur coupable du même péché d'espionnage que le personnage principal et amène une logique à sauter d'une fenêtre à l'autre, au gré de son regard. Une seule scène change d'angle, lorsque le chien est assassiné ce qui provoque un choc chez les propriétaires et tout le voisinage. Hitchcock réserve sa vue la plus large pour le plan le plus accusateur. Le montage possède également un rythme travaillé.
Mais le film possède également des défauts contrairement à l'opinion générale.
Le livre Hitchcock-Truffaut relatant les entretiens entre les deux cinéastes et revenant sur la filmographie fournie du maître du suspense, contient un passage intéressant sur la différence entre mystère et suspense et les "whodunit" (comprendre "who did it?"). Selon le réalisateur anglais, ces films ne sont pas intéressants car le spectateur est placé dans la seule attente de la réponse à la question "who did it?", une curiosité dépourvue d'émotions ce qui rend le film sans intérêt en dehors de la révélation finale. C'est pourtant le grand défaut de Rear Windows, le spectateur est placé dans l'attente de la réponse à la question "Y a-t-il eu meurtre?" et le personnage principal comme le point de vue de la caméra étant lui même spectateur, l'histoire n'est absolument pas immersive jusqu'au moment ou les personnages décident finalement de passer à l'action. C'est à dire très tard, dans la dernière partie du film. Avant cela, l'intrigue ne présente aucun enjeux susceptible de retenir notre attention. Les personnages passifs font des sujets peu captivants et Rear Window ne fait pas exception.
Dans l'ensemble un film intéressant surtout pour sa réalisation excellente mais dont l'histoire n'est pas très interessante en dehors de la façon dont l'unité de lieu est traitée.