Schroeder ou Schlesinger ?
C'est traître une traduction de titre.
Pour ceux qui comme moi auraient apprécié une vue sur l'océan, c'est assez déceptif de ne voir qu'un vieux quartier jaunâtre de San Francisco avec une esthétique de téléfilm comme seul décor.
J'utiliserai donc le titre original, Pacific Heights, du nom du charmant quartier aux briques rouges que l'on a pu apercevoir dans le Vertigo d'Hitchcock (parce que pour la flotte on peut toujours tendre le cou hein, perso je cherche toujours).
Un film de fin de carrière pour John Schlesinger, dont j'avais adoré Marathon Man et bien aimé Le Jeu du Faucon, un thriller où l'on suit un jeune couple qui investit tout son argent dans une immense demeure victorienne qu'ils souhaitent retaper entièrement, et qui vont choisir comme locataire un escroc de la pire espèce qui va leur pourrir la vie jusqu'à l'insoutenable.
Ce sociopathe, c'est Micheal Keaton, qui n'a plus rien à prouver dans l'art d'incarner ce genre de sales types. Et celui là est un beau morceau, un parasite dangereux qui prends l'avantage sur ses hôtes à une vitesse effroyable, avec une méthode glaçante de simplicité qui doit tout au glorieux système capitaliste. Un cauchemar en costard cravate.
La première partie du film, qui montre son intrusion et la désillusion du jeune couple, fonctionne plutôt bien. C'est assez désespérant, la forme est banale mais efficace, Keaton inquiète, le couple réagit de façon à peu près logique à ses assauts (même si en général c'est plutôt leur ennemi qui se sert des leurs), bref le thriller tient en haleine.
Mais soudainement, un troupeau de facilités de scénario déconcertantes pointe son nez au troisième quart d'heure, faisant basculer la situation en la défaveur du méchant en un clin d'œil pour permettre au gentil couple de sauver leur peau in extremis.
C'est frustrant, on entrevoit plein de pistes qui donnent un intérêt particulier au méchant, et soudainement au lieu de creuser le personnage on le transforme en psychopathe lambda bête et méchant jusqu'à l'illogique.
Un exemple des plus frappants: un personnage est allongé en train de roupiller devant la télé avec le son bien fort, on voit Keaton arriver dans son dos la bave aux lèvres avec un club de golf et lui assener deux coups au niveau du torse à lui en exploser la cage thoracique à coup sûr, avec une tronche qui n'évoque pas vraiment la pitié ou le pardon, et pourtant quelques secondes après le blessé arrive à courir à l'autre bout de la baraque sans gêne apparent, avec trois gouttes d'encre rouge de stylo plume sur le paletot comme seules marques. Juste à temps pour sauver les meubles, ouf !
Globalement ça m'a rappelé en bien des points "JF partagerait appartement", sorti un an après et réalisé par Barbet Schroeder. Locataire cintré, identité / mimétisme, femme ordinaire forcée de se défendre face à une intrusion qui la dépasse et au niveau visuel cette photographie ensoleillée assombrie... le Schroeder est quand même plus réussi, et surtout moins téléfilm du dimanche après midi... le schémas est quasiment le même mais le Schroeder est légèrement plus inquiétant au niveau de la psychologie de sa sociopathe (dans mon souvenir en tout cas), et le duel final inévitable est quand même bien plus tendu que chez Schlesinger, expédié a la va-vite en deux minutes et a l'issue très décevante.
C'est quand même moche de faire monter la tension pendant une heure trente pour bâcler le climax aussi salement...