C'est sûr que pitcher le film par "c'est Samy Nacéri qui infiltre le FN pour buter Le Pen", ça fait grave envie. Et reconnaissons que le scénario a de vraies bonnes idées dans son traitement de la stratégie de dédiabolisation de l'extrême-droite, et du parcours de ce personnage qui se perd lui-même dans son obsession de vengeance. Mais du papier à l'écran, il peut y avoir un gouffre que Gilles de Maistre, le réalisateur, va malheureusement s'atteler à illustrer. Photographie tristement télévisuelle, montage aux fraises (va comprendre qui est qui durant le 1er segment), mise en scène nase, musiques dignes d'AB production et souvent en complet décalage avec la teneur de la scène (NTM se charge pourtant du score d'intro et de conclusion), dialogues très film français ("j'aime pas les conversations sérieuses, je trouve ça mal élevé"), dénouement nonsensique, la cata totale, quoi.
Allez, sauvons Jean-Marc Thibaut en leader de la Ligue qui incarne un Le Pen alternatif intéressant, et même ses deux bras droits Bernard Lecoq (qui a aussi joué Chirac) et Philippe Magnan (qui a aussi joué Mitterrand). Zylberstein surjoue allégrement en conseillère comm' cynique nommée Zébulon (pour ne pas dire Zyklon ?), au point d'offrir le seul vrai moment nanar du film avec son impro rap sur le multiculturalisme (!). Et y'a Berléand qui fait coucou je sers à rien. Mais évidemment que foin de ce petit gratin, tout le monde est venu rien que pour Samy.
Et là, y'a pas vol sur la marchandise : Féroce (titre prédestiné pour sa star) est un Nacéri-porn. Héros street cred' de cette fresque politique, Samy en est l'argument principal, très présent à l'écran, affichant DANS TOUTES LES SCÈNES un regard de meurtrier en puissance à deux doigts constants du passage à l'acte, que ce soit sur ses ennemis, sur ses alliés, sur sa compagne, sur sa maitresse, sur sa télé. Décrit comme "trop entier" pour être accepté par les réseaux intégristes, qualifié de "meilleur d'entre nous" alors qu'il se prénomme Alain (wink wink), Samy est flippant au-delà ce qu'exige son rôle auquel il ne donne jamais vraiment corps, finissant d'achever le scénario.
Féroce est donc un gros fail qui conserve pour lui un sujet plutôt original, à même de plaire aux politologues amateurs et aux samynacériphiles.