Je vais commencer par m'excuser. Comme ça si jamais il t'arrive quoi que ce soit, au moins, j'aurais tenté déjà de me faire pardonner mon offense. Au cas où tu ne l'aurais pas encore remarqué, je te tutoie, ce n'est que le début de la critique et pourtant déjà je commence les incivilités. Mais bon, c'est comme ça. Après avoir vu Festen tu n'as plus vraiment envie de prendre des pincettes.
Pourquoi ?
Par ce que tu regardes autour de toi avec un léger air de dégout.
C'est sale.
C'est même sacrément dégueulasse.
Pas le genre de dégout instinctif de surprise face à l'horreur ou les viscères qui se répandent sur le sol poussiéreux, plutôt le genre de relent insistant, infect et néfaste qui vous prend peu à peu à la gorge et auquel tu ne peux pas vraiment échapper, dont tu ne te débarrasses jamais, tu te contentes de le masquer, de l'oublier.
Festen c'est un peu ça. On organise une grande réunion qui doit sentir le lait, le miel et l'alcool. Et en fait on te met le nez dans le putride.
Et tu vois tu es sans doutes déjà un peu au courant, tu as pu te renseigner un peu sur le film avant. Ou peut-être pas, je vous conseillerai de le voir sans en lire d'avantage sur le film. Si tu veux rester quand même c'est possible. Moi je reste dans les grandes lignes. Toujours est-il que moi je savais un peu de quoi était fait l'animal. Le même sacripant que pour La Chasse (Jagten), la même idée d'une humanité dégueulasse, veule, violente et lâche. Une réunion de famille qui tourne mal.
Tu vois tout est censé tourner autour du patriarche, le chef de famille. On fête ses 60 ans. Dès le départ tu cernes le personnage, maître de tout, une simple caresse de sa part c'est un privilège inespéré, tu sens que sa colère peut être prompte, bref une figure d'autorité. Il régit son petit monde. Ou plutôt son grand monde puisque cette réunion de famille où on est environ 40, dans une grande propriété familiale luxueuse qui fait office d'hôtel, 10 cuisiniers et 10 domestiques, de bon matin notre chef de famille est à la chasse dans sa scandinavie sauvage. Vous voyez un peu le tableau.
En ce qui concerne la famille tu vois arriver peu à peu tout le monde, tu cernes les plus importants, les enfants : Michael, Helene et Christian. Il y en a un qui est rustre, un peu sauvage et qui est en quête de reconnaissance même s'il déçoit toujours. C'est le benjamin. Tu as la soeur qui vit une vie bohème mais cultivée et qui se retrouvera en décalage malgré elle. Et puis tu as Christian. C'est l'ainé. Il ne portait pas ce fardeau seul. Il avait une soeur jumelle. Mais elle s'est suicidée dans une baignoire.
Après tu as ces seconds rôles, oncles, tantes et cousins, ces murmures dans la pièce du festin, ces rires gras, ces cris outrés, ces chants traditionnels, ces regards confus, ce grondement protestataire. Une bande de lâches qui ploie contre la moindre brise. Des paillards et des idiots. Une autre génération aussi, attachée aux valeurs familiales. Et ça c'est important ? N'est-ce pas ? La famille, hein ?
Et alors qu'on saisit l'enveloppe verte et pas l'enveloppe jaune, on voit alors un édifice qui prend des coups, qui résiste à l'assaut mais qui se fissure et peu à peu les choses s'écroulent. Notre roi à beau hurler dans son fauteuil, il semble que le soleil refuse de ne pas se coucher sur un masque brisé.
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