Andréa est une grand-mère heureuse car aujourd'hui doivent arriver dans sa superbe propriété du Lot-et-Garonne ses enfants et petits-enfants afin de fêter dignement son anniversaire. Elle n'a qu'un souhait, « Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et j’aimerais que l’on ne parle que de choses agréables ! ».
La gentille petite famille arrive et c'est dans une certaine agitation festive que les préparatifs se font. Chacun paraît heureux de se retrouver dans ce cadre de verdure mais s'était sans compter sur l'arrivée de Claire. Celle-ci apparaît à la surprise de tous après une "absence" de trois ans et là cette femme très particulière et qui a abandonné sa fille va réserver de bien curieuses surprises à l'assistance...
En regardant cette œuvre je découvre combien l'analyse du réalisateur est d'une justesse et d'une cruauté redoutable. Il s'attache à nous décrire une famille unie lors d'un repas d'anniversaire de grands-parents. Chacun se montre respectueux et digne, bref "à la hauteur de l'événement".
Il est difficile de lire dans les pensées mais lors de l'arrivée surprise de Claire, tout ce petit monde va s'animer en crachant son venin sous l'œil apaisant de Andréa qui tente d'éteindre les flammes malfaisantes qui jaillissent de partout alors que Jean son mari reste muet.
Claire venait pour revendiquer la part de l'héritage auquel elle devrait avoir droit, elle que l'on n'a plus revue depuis trois ans de séjour en Amérique. La jeune femme qui vit seule est "déséquilibrée", impulsive, implacable durant ses colères et ses délires. Elle observe, juge et dévoile des vérités qui font mouche et tout ce clan familial très uni se désagrège et les rancœurs les plus enfouies se font jour. Finie la fête de famille! Ces messieurs-dames ont le regard tourné vers un autre horizon comme le chantait Jacques Brel:
"...Et puis y a la toute vieille
Qu'en finit pas d'vibrer
Et qu'on attend qu'elle crève
Vu qu'c'est elle qu'a l'oseille
Et qu'on n'écoute même pas
C'que ses pauvres mains racontent
Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'cause pas, Monsieur
On n'cause pas, on compte."
Oui on compte et on s'accuse sans se demander pourquoi Claire présente un tel visage devant cette "sage" société au sein de laquelle il est bien difficile de ne pas retrouver un membre au-dessus de tout soupçon.
Andréa savourera son gâteau d'anniversaire au goût amer, amertume qui semble ne pas l'atteindre. Mais là aussi n'est-ce pas une fausse attitude sur fond du rituel chant "Bon anniversaire" . La coutume...
Je découvre avec ce film le grand talent de Cédric Kahn ayant à son palmarès un certain nombre de films que je vais tâcher de découvrir car là, je suis resté scotché. Cet instant de cinéma est le témoignage parfait de ce que certains d'entre nous sont très souvent: faussement gentils, revanchards et intéressés. Le réalisateur va droit au but en dénonçant sans le moindre détour ce que nous pouvons ou pourrions être, c'est à dire des dissimulateurs. La société est telle que nous la faisons, nous la critiquons mais elle est telle que nous la construisons. La moindre étincelle provoque le conflit avec son flot de révélations gardées au fond des cœurs.
Certains des petits-enfants restent ici en dehors de ce "carnage" redressant une courbe descendante que notre monde leur laisse.
Merci à Cédric Kahn, qui est aussi acteur dans ce film pour son talent d'analyse franche et féroce d'une "famille idéale" paraît-il. Il y a deux actrices dans ce film remarquable qui m'ont absolument bouleversé, Catherine Deneuve , Andréa, qui semble impassible et qui reçoit en guise d'anniversaire un cadeau empoisonné par ceux qu'elle a de plus cher, ses propres enfants qui se révèlent au grand jour. Et puis il y a Emmanuelle Bercot, Claire, la folle, la déserteuse mise au ban de la famille mais qui dans ses délires a tellement de choses à révéler. Elle nous délivre avec un talent fou des moments aussi émouvants que révoltants.
Je ne peux pas citer tous les comédiennes et comédiens mais chacun délivre avec conviction un grand moment de cinéma dont on ne sort pas indemne.
A noter également la musique qui ponctue cette intrigue "Mon amie la rose" de Françoise Hardy et "L’Amour, l’amour, l’amour" de Mouloudji, deux chansons qui soulignent cet instant cruel.
Beaucoup n'ont pas trop apprécié, moi j'ai adoré ce film qui n'est que le constat sévère de comportements tels qu'en fabrique notre société actuelle dans laquelle l'individualisme l'emporte sur l'amour. Triste monde...
Box-office France: 326 159 entrées
Note: 9/10