Une fresque très ambitieuse, qui entend questionner un thème classique de l'ère du muet, le mélodrame familial, à travers le spectre d'un existentialisme relativement original. La collaboration de Marcel L'Herbier avec les studios Albatros auront pour net avantage de voir Ivan Mosjoukine dans le rôle principal, mais cela n'aura pas évité un écueil principal : une durée un peu trop gargantuesque pour la matière première disponible.
Le souci ne vient clairement pas de la dynamique narrative, qui oscille de manière habile entre Monte-Carlo et Rome, en épousant les soubresauts existentiels du protagoniste, tantôt intellectuel rêveur et amoureux, tantôt triste sire ruiné. Après le passage au cours duquel il fait fortune au casino, survient un temps fort du film : la découverte de sa propre mort, où il est supposé noyé suite à la mort de son enfant et à la tristesse qui en a découlé. S'ensuit ainsi l'ouverture de nouvelles perspectives, d'une nouvelle vie, qui lui permettra de renaître et de retomber amoureux, l'espace d'un instant du moins... Car en tuant son personnage, L'Herbier lui permet de se réinventer et d'accéder à une nouvelle existence seulement de manière temporaire : d'une part, son double qui apparut au moment de la révélation viendra le hanter régulièrement, mais d'autre part cette nouvelle vie se révèlera beaucoup moins riche de sens une fois passés les premiers instants de jouissance facile.
Sur cette thématique de la dualité et des allers-retours entre les différents états de (feu) Mathias, L'Herbier s'intéresse avant tout à une forme d'aliénation latente, qui mettra très longtemps à s'exprimer, en liant l'abandon de son identité à celle de son être, constamment entravé dans sa liberté et dans son épanouissement (qui passe par l'administratif, essentiellement). Et on remarquera aussi, voire surtout, un Michel Simon jeune et fringant, âgé de seulement 30 ans mais dont les traits semblent déjà correspondre à celui qu'il deviendra dans les décennies suivantes.