C'est l'été à Nancy et Sophie, dite Fifi, sait qu'elle ne quittera pas son HLM et sa famille bruyante.
Dans une situation précaire la famille se compose de la mère, de trois grandes filles issues d'une première union, de deux enfants plus jeunes, d'un bébé et d'un beau-père qui semble passer beaucoup de temps au lit. Pour échapper aux cris, aux insultes et aux coups parfois, Fifi s'échappe sur son vélo, fait les courses d'une vieille dame et tout à fait par hasard croise Jade une ancienne copine de collège. Cette dernière part comme chaque année au bord de la mer et Fifi sans raison lui pique les clés de sa maison. Dès que toute la famille est partie, Fifi se glisse dans la maison et s'y installe au calme. Surprise par Stéphane le fils aîné elle se sauve et finalement revient et partage un petit job d'été bien rébarbatif avec lui (mettre des courriers sous pli). Malgré leurs 8 ans d'écart les deux jeunes gens sympathisent, et aux silences gênés succèdent peu à peu des conversations simples et profondes. Une rencontre, une évidence...
Ce premier film vous cueille alors qu'on pouvait s'attendre à voir tous les clichés s'empiler compte tenu de la grande précarité dans laquelle se trouve la famille de Fifi, des rapports de classe entre les deux milieux, de la mixité sociale mais aussi d'une histoire d'amour entre une adolescente et un jeune homme de 23 ans. On se dit qu'on a déjà vu tout ça et puis non, on ne l'a jamais vu, pas de cette façon en tout cas.
Le film s'appuie avec beaucoup de recul, de subtilité et de douceur sur le mélange de comédies romantique et sociale sans jamais tomber dans les stéréotypes faciles et les banalités ordinaires des deux genres. Une toute jeune fille sans doute pressée de quitter l'école pour échapper à sa condition, à sa famille. Un jeune adulte un peu perdu, conscient de l'être et lucide aussi, pas sûr d'avoir choisi la bonne filière d'études. Avec leurs doutes, leurs hésitations, leurs rares certitudes, ils entament un dialogue, tout étonnés eux-mêmes d'y parvenir.
Céleste Brunnquell (vue et révélée dans Les éblouis puis dans la série En thérapie) et Quentin Dolmaire (étourdissant dans Trois souvenirs de ma jeunesse) sont éblouissants, drôles, justes tout le temps, émouvants. Et n'oublions pas la scène qui restera peut-être comme la plus drôle du festival (d'Annonay) et en tout cas du film. On la doit à Laurent Poitrenaux, hilarant en quelques minutes, à la piscine, au barbecue et au ping-pong... Tout le casting est impeccable.
Ce film est beau, doux, tendre. Je crois qu'il sort en juin. Comptez sur moi pour vous le remettre en mémoire.
Ce film, c'est comme être là au bon endroit, au bon moment avec la bonne personne, au bord de l'eau. Et quand c'est la fille qui offre son gilet au garçon pour qu'il n'ait pas froid, on se répète encore qu'on est pas dans un film et une histoire ordinaires. Et le coeur bat la chamade au rythme de leur douce complicité et de la plus belle non-déclaration d'amour du monde.
C'est rare.
Triste et joyeux comme une fantaisie pour piano à quatre mains de Schubert. Ecoutez, vous connaissez forcément.