Difficile d'attaquer une critique sur le film le plus noté de Sens Critique, le film culte par excellence, le film que tout le monde a vu, dont tout le monde connait les répliques. Mais je voue une telle admiration à cette oeuvre que j'ai très envie de me livrer à cet exercice.
Fight Club, adaptation du livre du même nom de Chuck Palahniuk sorti en 1996, fait partie de ces oeuvres qui n'ont pas connu le succès lors de leurs sorties en salles, mais qui jouissent aujourd'hui d'une popularité extraordinaire. C'est un exemple typique du film culte si l'on se réfère à sa définition Wikipédia, à savoir qu'il est l'objet d'une admiration particulière par de nombreuses personnes malgré ses défauts, à la différence du chef d'oeuvre qui lui est un classique du cinéma censé être parfait et reconnu comme tel de par ses qualités intrinsèques et non de par sa popularité. Quels sont les ingrédients qui ont permis au film de Fincher d'atteindre ce statut ? Voyons cela point par point.
Une adaptation qui respecte parfaitement l'esprit du roman, tout en apportant sa touche personnelle
Le film de Fincher est typiquement ce qu'on peut appeler une adaptation réussie. Quand on a lu le roman de Palahniuk et qu'on visionne le film juste après, la proximité entre les deux saute assez facilement aux yeux. L'histoire est très bien respectée, il y a peu de modifications par rapport à ce que nous racontait le roman, et surtout, l'esprit de l'oeuvre originale se retrouve dans le film. Le livre de Palahniuk m'avait marqué par son vocabulaire cru, par son style très percutant et la violence de son propos, avec beaucoup de phrases cultes qui reviennent régulièrement (les règles du Fight Club, la manière de fabriquer un explosif, "Je sais cela car Tyler sait cela", etc...) et le film reprend tout cela avec beaucoup de brio. Même les phrases qui n'apparaissent pas dans le roman ("Mon dieu, on ne m'avait pas baisé comme ça depuis l'école primaire" ou l'explication de la présence de masques à oxygène dans les avions pour citer deux exemples) sont totalement respectueux de l'oeuvre originale et apportent un plus indéniable. Surtout que Fincher ne s'est pas contenté de repomper l'histoire mais apporte de vraies nouveautés, notamment la fin qui diffère du livre, et c'est bénéfique car ce qui fonctionne dans un roman ne fonctionne pas forcément dans un film et inversement. Là les choix qui ont été faits dans la modification de l'histoire ont été les bons, pour notre plus grand bonheur.
Une dénonciation de la société de consommation pertinente
En 2017, le message peut sembler banal tant la société de consommation fait aujourd'hui l'objet de critiques fréquentes et virulentes, mais à l'époque le livre et donc le film étaient en avance sur leur temps et ont fait l'effet d'une bombe à leur sortie. Ce message n'a pas pris une ride à l'heure où j'écris cette critique, puisqu'il est toujours d'actualité, peut-être même encore plus qu'à l'époque de la sortie du film.
Faire des jobs qu'on déteste pour acheter des choses dont on a pas
besoin.
Cette phrase culte résonne particulièrement dans la société actuelle marquée par l'hyper consumérisme mais à la fin du XXème siècle c'était assez révolutionnaire. C'est en cela que le film n'a pas vieilli et c'est ce genre de message qui peut expliquer pourquoi le film fait encore l'objet d'une admiration importante aujourd'hui. Le personnage principal, est le produit de cet état de fait de l'époque contemporaine dénoncé dans le film. C'est notamment matérialisé par le catalogue Ikea et le fait qu'il achète de nombreux meubles de ce magasin, mais aussi par le fait qu'il déteste son travail et qu'il soit dépressif et insomniaque. Plus tard dans le film, les personnages voudront faire exploser les immeubles des entreprises de cartes de crédit et ils créent le Fight Club qui va rencontrer un succès retentissant car beaucoup d'hommes souhaitent se défouler pour oublier leurs problèmes. Peu de films ont une telle pertinence dans leur manière de cibler ce qui va mal dans la société, tout en étant avant tout de purs divertissements. C'est aussi en cela que Fight Club est une réussite, il dénonce mais reste un pur produit cinématographique grand public, sans jamais nous prendre la tête.
Une avalanche de scènes et de phrases cultes
J'ai déjà cité de nombreuses phrases qui m'ont marqué dans le film, inutile de revenir dessus. Fight Club est une véritable mine d'or à citations, et cela rejoint le point que j'ai mentionné précédemment. En effet, rien de mieux qu'une phrase choc pour dénoncer tout en divertissant. Les phrases de Fight Club, notamment les règles du Fight Club, sont aujourd'hui ancrées dans la culture populaire et n'en sortiront pas de sitôt. Même les personnes qui n'ont pas lu le livre ou vu le film connaissent ces phrases. Combien de films peuvent se targuer d'une telle performance ? En réalité il y en a peu, ce qui prouve à quel point ce film a marqué une génération et propose des citations percutantes. Mais l'oeuvre du réalisateur d'Alien 3 n'est pas non plus avare en scènes cultes. Je pense bien sûr au passage où les deux héros menacent un étudiant à la sortie d'un convenience store, aux nombreuses scènes de combats dans les bars, et bien sûr à cette dernière image où le narrateur et Marla se donnent la main et regardent les immeubles s'effondrer avec la dernière phrase prononcée par le narrateur :
Tu m'as rencontré à un moment étrange de mon existence.
Ce sont des scènes qui marquent réellement et qui contribuent à donner au film une aura particulière.
Un des plus grands twists finaux du cinéma moderne
Pour moi il est difficile de parler de cet aspect aujourd'hui, car je connais ce film depuis très longtemps et qu'à chaque fois que je le revois, je ne suis plus surpris par la révélation de l'unicité entre le personnage du narrateur et Tyler Durden, mais la première fois que je l'avais vu, même si mes souvenirs sont flous, je me rappelle qu'il m'avait mis sur le cul (pardonnez-moi l'expression). J'adore les films à twists et celui-ci est sans doute le meilleur qu'il m'ait été donné de voir, tant la construction du film pour nous mener jusqu'à cette révélation est intelligente. On se rend compte qu'il y a quelques indices disséminés ça et là, mais on n'en prend conscience qu'en revoyant le film. Le dédoublement de personnalité (à ne pas confondre avec la schizophrénie) est un thème qui fonctionne très bien au cinéma et que j'affectionne particulièrement. Certes, une fois qu'on le connait et qu'on revoit le film, l'oeuvre perd forcément de sa saveur car elle repose beaucoup sur cette révélation, mais je suis d'avis qu'il faut juger un film sur l'impression qu'il nous laisse lors de son premier visionnage. Et la claque qu'il nous met lors de ce fameux premier visionnage est immense.
Une réalisation maîtrisée et un trio d'acteurs flamboyant
Pour finir, parlons des aspects techniques du film. La réalisation est tout simplement excellente, Fincher fait déjà preuve d'une grande maturité dans ce qui constitue son quatrième film. La gestion du rythme est parfaite, les plans sont très beaux et le montage fonctionne bien. Il nous gratifie même d'un plan séquence à un moment donné. Quant aux acteurs, c'est depuis ce film que je suis fan d'Edward Norton et Brad Pitt. Edward Norton joue parfaitement la personnalité effacée et dépressive du personnage principal, quand Brad Pitt s'amuse à camper son côté plus charismatique, leader et violent. Ils se complètent parfaitement, c'est vraiment l'un de mes duos préférés au cinéma, tant l'alchimie entre les deux est présente. Quant à Helena Bonham Carter, elle est aussi excellente dans son interprétation d'un personnage totalement destroy. Meat Loaf et Jared Leto sont les autres personnalités connues qui complètent le casting, et bien que leur présence à l'écran soit relativement restreinte, ils font parfaitement le taf.
Pour conclure, Fight Club mérite amplement son statut de film culte. Fincher a parfaitement saisi l'essence du livre et en propose une adaptation très intelligente, qui fait que j'apprécie autant les deux car elles se complètent très bien. Fight Club représente la quintessence du cinéma des années 90, conséquence de son époque qui porte un vrai message en lui tout un étant un pur produit de divertissement. Je sais cela car Tyler sait cela.