Des explosions, un travelling avant, deux personnages qui regardent un monde qui s’effondre à travers une fenêtre, puis croisent leur regard avant la fin, celle du film cette fois. Et juste avant le générique, l’ultime pied de nez d’un esprit qui habite le long-métrage. Une ultime image pour clôturer ce spectacle apocalyptique. Avec Fight Club, David Fincher signe son film le plus culte, le plus radical et le plus fou. Pour un réalisateur en recherche constante de perfection visuelle qui étoffe un style cinématographique parfait et invisible au fil des années, on peut dire que cette adaptation du roman coup de poing de Chuck Palahniuk détonne dans la filmographie de Fincher pour l’énergie punk qu’elle dégage. De son passé de réalisateur de publicité et de clip de renom, il tire un brûlot contre son époque en détournant les codes de ces mêmes vidéos qui ont fait sa réputation. Citations abondantes de marques, détournements de placements de produits, omniprésence de la publicité dans les rues et sur les écrans ; la ville qui ne dit pas son nom dans laquelle évolue les personnages est un présentoir géant qui devient pour eux un vrai purgatoire. Fight Club est le film d’une époque dont il se moque en pointant ses travers, un film générationnel qui utilise l’adn de son temps pour en faire la critique. Accusé (à tort) de glorifier la violence, il ne peut en fait être compris de cette façon que par des spectateurs voyant en Tyler Durden l’avatar de l’anticonformisme qui rêve de faire exploser la société, quand il est en réalité une dénonciation sur pattes de tout ce qu’il combat. Superficiel (il se fringue comme un dieu et conduit des voitures de luxe), beau parleur, charismatique… Nombreux sont les paumés, les laissés pour compte a le rejoindre dans son combat contre la société qui se mue en terrorisme fanatique. Mais « le narrateur » (dont l'individualisme est nié par l'auteur lui-même en lui donnant ce nom) se libère finalement quand il accepte de combattre ses idées destructrices et de réfléchir par lui-même. Et la beauté de Fight Club réside dans cette fin où le narrateur, enfin libéré de ses pensées de chaos, voit le monde dans lequel il vit littéralement s’effondrer devant lui et la femme qu’il aime. Tyler Durden a gagné et il le montre avec une ultime image pornographique greffé dans le film. En ayant toujours une longueur d’avance sur ses personnages, David Fincher montre finalement bien que le consumérisme et la pensée unilatérale peuvent provoquer la chute du monde occidentale, en se servant comme principal sujet d’étude de Tyler Durden, le fantasme prétendument anticonformiste, qui représente en fait à l’extrême ce qu’il dénonce. Plus fin de siècle que ça tu meurs.