Sorti fin 1999, Fight Club est de ces films qui marquent un cinéphile, surtout adolescent. À l'aube du nouveau millénaire, le terrorisme international n'occupait pas encore la une des médias du monde et Internet n'en était qu'à ses balbutiements. Pourtant, le film arrive à évoquer ces bouleversements à venir dans un élan prophétique et ricaneur.


Il résonne avec deux autres productions "techno" tout juste sorties à quelques mois d'intervalle : The Matrix et Requiem for a Dream (avec qui il partage Jared Leto). Une humanité droguée, soumise aux machines ou à sa simple incapacité à construire quelque chose, à s'ouvrir à l'autre. Fight Club annonce le "bug de l'an 2000", ce hoax qu'il aurait aimé voir advenir.


Comédie noire, parabole sur l'endoctrinement, manifeste pop : on peut résumer le film de bien des manières. On dira juste que c'est l'histoire d'un gars qui pète un plomb en cherchant un sens à sa vie. Sa réussite matérielle cache un vide émotionnel qu'il comble à grand renfort de misère en visitant des groupes de soutien. Il se confronte à l'abîme, au néant, pour être sûr de pouvoir enfin ressentir quelque chose. C'est un film sur l'addiction : ce qui ne tue pas ne rend pas toujours plus fort. C'est une œuvre qui ose dire qu'on ne peut trouver en soi la clé de l'accomplissement.


Le film signe l'apogée d'un studio : la Fox, à l'époque noyée dans les dollars grâce à Titanic et qui vient de relancer Star Wars avec le raz-de-marée La Menace Fantôme. Entre ces vagues, et sous l'impulsion du patron Bill Mechanic, des réalisateurs casse-cou tentent le coup : Jean-Pierre Jeunet avec Alien, la résurrection, Danny Boyle avec La Plage, et donc Mister Fincher. Ce génie de l'image utilise toute son expérience (clips, pubs, effets visuels) au service d'une histoire à la fois sérieuse et puérile.


La grande théorie de l'alter ego du narrateur, Tyler Durden (joué par Brad Pitt dans ce qui reste sa meilleure performance à ce jour), est que nous sommes abandonnés par nos pères et donc incapables de nous projeter dans un avenir autre qu'en ruines. Dans une ultime révélation, Tyler s'avère être le prolongement du protagoniste. Son projet fou et sa contradiction sont issus du même cerveau malade, celui-là même où nous étions plongés dès la séquence d'introduction. Il est notable que l'autre film "à twist" sorti cette année-là (Sixième Sens) opère la même transformation. Le soutien du jeune héros est un personnage "fantôme" qu'il convient de ramener aux limbes. Brad Pitt & Bruce Willis, peut-être les deux plus grandes stars à l'époque, doivent disparaître. La même année, Tom Cruise se livre à un exercice de déconstruction de son image dans Magnolia.


Finalement, le film n'est qu'une histoire d'amour entre un narrateur enfin capable d'oublier ses mots et une héroïne souffrant des mêmes maux. Une femme qui ne s'en laisse pas conter et quitte son prince en chantonnant pour mieux le retrouver : la bien nommée Marla Singer. Fight Club est une comédie romantique.

cinecharlie
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 1999 et Les meilleurs films avec un twist final

Créée

le 4 nov. 2020

Critique lue 134 fois

cinecharlie

Écrit par

Critique lue 134 fois

D'autres avis sur Fight Club

Fight Club
Gand-Alf
10

Sons of Anarchy.

Qu'une oeuvre aussi folle, aussi inconfortable, aussi ambigüe, aussi inclassable que Fight Club sorte d'un gros studio aussi conservateur que la Fox reste une des blagues les plus brillantes de cette...

le 19 juil. 2015

193 j'aime

24

Fight Club
Velvetman
8

La consommation identitaire

Tout a été déjà dit sur le film de David Fincher. Film culte pour les uns, film générationnel pour d'autres. Critique mercantile de la société de consommation pour certains, film d'homosexuels...

le 28 janv. 2015

157 j'aime

4

Fight Club
Ano
5

Je suis l'ego démesuré de Jack

Beaucoup pensent que ce film n'est qu'un éloge d'une sorte de société altermondialiste nihiliste prônée par le personnage de Brad Pitt; si bien qu'on reproche souvent à Fight Club d'être une repompe...

Par

le 5 févr. 2012

149 j'aime

13

Du même critique

Fight Club
cinecharlie
9

L'autre, c'est moi

Sorti fin 1999, Fight Club est de ces films qui marquent un cinéphile, surtout adolescent. À l'aube du nouveau millénaire, le terrorisme international n'occupait pas encore la une des médias du monde...

le 4 nov. 2020