Plongée apocalypthéroïque dans le monde de la boxe, Fighter est une de ses expériences à la fois légère et passionnée qui dépasse presque à son insu le cadre du film de boxe classique. Une boule d'énergie cinéaste pure, pas de question, que du punch et de la roue libre. J'aime bien ce genre de film qui laissent toute la liberté nécessaire à des acteurs comme Christian Bale, tout bonnement monstrueux, et dans lesquels on ne se pose pas la question de savoir si on accroche bien au rôle, si on peut dire ceci, gueuler cela... On ne fait pas de ronds de flan dans la bouse de vache, quoi.
En toute sincérité, il y a une réelle fracture entre les deux moitiés du film : je passe sur la deuxième heure, clairement orienté par les productions du genre Rocky, qui a toute sa légitimité - qui plus est, j'ai une tendresse toute teintée d'ironie pour Rocky - dans le cheminement émotionnel du scénario ; j'en viens plutôt directement à la première heure, celle qui lance le film dans un univers essentiellement plus REALISTE que tous les autres films de boxe, avec ses chemises kitch, ses répliques mi-drôles mi-classe et ses T-shirts usés et salis de transpiration.
Il y a dans Fighter une manière de respecter le monde des boxeurs, souvent flambeur, kéké, grosse gueule, rouleur de mécanique à l'excès, jusqu'au ridicule, une manière de le respecter en lui rentrant dedans sans aucune retenue. De la fantaisie au monde de la fantaisie, de l'exagération dans l'exagération. Il y a là-dedans du Shameless dans ce qu'il fait de meilleur, avec ses magnifiques cabochards, la splendeur de ses clochards. La boxe est un sport de la rue, qui tire sa noblesse dans la grandeur de sa décadence. On parle de champions qui sortent de la fange, pas de grands acteurs de cinéma qui veulent nous faire revivre des heures de gloire édulcorée.
C'est là où le film de David O Russell tape vraiment fort, en injectant dès le départ des éléments décalés, une bande son assez proche du mauvais goût pour être véritablement magnifique par exemple, et en scénarisant tout l'aspect cas soc' de ce milieu. Celui qu'on ne voit pas souvent au petit comme au grand écran, mis-à-part dans des productions du genre Strip-tease, Tracks, ou encore Bernie. Celui qui commence à trouver une certaine hype dans les réalisations actuelles. Mise en scène coup de poing, rythme épileptique, traveling nerveux, toute une énergie gonzaï au service du vrai et du fantasque.
Finalement, c'est là que Fighter puise son génie : il se rapproche du bon vieux documentaire caméra au poing, et dans sa manière de vouloir nous faire croire qu'il n'est pas un film, il réussi le tour de force de redimensionner l'expression "Based on a true story" dans un cadre qui lui sied un peu mieux, moins mièvre, plus fou.
Un dernier poing sur la prestation de Christian Bale, qui n'a vraiment pas volé son Oscar du second rôle : un jeu déjanté, no limit, où l'on retrouve, se roulant dans la farine, le Pat Bateman qu'on avait aimé entre-apercevoir depuis l'œuvre de Bret Easton Ellis, et qui est un des derniers grands personnages qui a réussi à me faire me rouler de rire sur mon canapé. Vous allez vous en taper les cuisses mes amis, c'est du tout bon. Moi, je lui donnerais le bon diable sans confession. Son meilleur rôle, selon moi. J'ai toujours trouvé le bonhomme assez sous-estimé.
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