Moment sacré où elle prend ses hormones, la tête en arrière, les yeux fermés. Phong se rapproche peu à peu d’elle-même.
Scène de nue, Phong s’amuse d’être dénudée face à la caméra. Elle joue, elle montre une partie de son corps sur le coin de la serviette, et puis la serviette tombe et l’on voit ses hanches, ses fesses. L’exercice est amusant et à la fois stressant puisqu'il reste encore une partie d’elle étrangère, un sexe dont elle souffre. Phong, comme une vaste majorité des personnes transsexuelles, a ressenti dès son enfance une expérience d’étrangeté quant à son corps. En parlant de l'expérience d'étrangeté (physique mais aussi sociale) et d'enfance, il est impossible ici de ne pas penser au sublime Petite fille (2020) de Sébastien Lifschitz et aux parents héroïques de Sasha.
« Maintenant tu me vois comme une fille ou un garçon ? » Le regard reste une jauge et un objet inquiétant. À la recherche de confirmation de qui elle est, elle questionne. Une amie qui arrange les cheveux de Phong lui dit « le Createur t’a offert un corps et un visage très beaux, il a juste gaffé en ajoutant ce truc de mec », on voit le visage de Phong s’éclaircir.
Phong discute avec ses amies de ses formes désirées, de l’amour, du sexe. Elles échangent, elles se racontent. Une de ses amies lui raconte sa première fois, cette dernière se moque des désirs masculins d’être face à une jeune femme fragile qui dit qu’elle a peur, elle dénonce aussi les hommes qui traitent les femmes de putes lorsqu’elles sont celles qui commencent.
La transidentité est un sujet qui connaît ces dix dernières années une expansion dans le champ artistique, politique et médiatique. Les réseaux sociaux ont été le mode d’expression de nombreuses personnes transsexuelles, ils ont permis à ces dernières de partager leurs connaissances et leurs expériences. Je partage à l’occasion de cette critique la chaîne YouTube par laquelle j’ai découvert ce sujet : Gabrielle Marion est canadienne et comme Phong elle n’est pas née dans le bon corps. Sur sa chaîne YouTube elle a consacré plusieurs vidéos à son parcours de transition, elle entre dans les détails sur les opérations subies et toutes les périodes de guérison qui suivent. Le film permet ici de (se) documenter, Phong et Gabrielle Marion établissent des archives de soi. Gabrielle Marion rappelle la chance qu’elle a d’être entourée par une famille aimante et présente, en effet ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les personnes transsexuelles. J’ai été très touché par le frère et la sœur de Phong qui se sont déplacées avec elle pour l’accompagner au Vietnam. Son frère et sa sœur ont beau avoir chacun leur avis sur la question, iels sont présentes.