La hype Whiplash fut pour moi une énigme, j'avais trouvé le personnage de J.K Simons peu subtil et les artifices scénaristiques too muchs dans leur volonté d'exprimer l'inhumanité de la perfection. Alors quand la hype La la land est arrivée (6 mois avant la sortie du film) je me suis dit que j'allais soigneusement éviter de le voir en salle. Et ça n'a pas raté car j'ai découvert le film dans un avion, sur un écran 4/3, en 480p... Bref, dans les conditions idéales des longs courriers. Et pourtant, le charme opéra. Je m'attendais à quelque chose de tapageur et de grandiloquent mais cette fois Damien Chazelle parvint à contrebalancer toutes mes attentes en distillant une mélancolie sourde derrière ce qu'on nous vendait comme une comédie musicale glamour.
Du coup First Man, j'y suis allé assez confiant. Mais Damien Chazelle m'a encore pris de court... cette fois, j'ai pas seulement aimé, je suis revenu de ce voyage bouleversé.
Le biopic est un genre vecteur de beaux hommages mais aussi de films pourris (les deux sont souvent liés), Chazelle n’a pas oublié qu’il faisait du cinéma et nous évite les sempiternelles photos au générique des vraies personnes ayant vécu les événements contés. Il n’y a pas de glorification de Neil Armstrong, juste le récit d’un homme ironiquement lunaire qui ressent le besoin de trouver refuge pour faire son deuil. Et c’est dans un lieu hors du monde, dénué de vie que l’astronaute pourra enfin dire adieu à sa fille.
Malgré l’ampleur de la mission Apollo 11, le drame du protagoniste est donc intérieur. Je resterai marqué par la main de Neil parcourant les cheveux de sa fille, puis le brutal plan suivant, vif comme un contre-champ sur ses yeux observant le cercueil descendre sous terre.
On comprend plus tard qu'il aurait voulu laisser le bracelet avec sa fille dans cette scène mais qu'il n'y est pas parvenu...
Le scénario est assez brillant dans son traitement en omettant soigneusement d’insister sur le plantage du drapeau américain et en dépeignant avec concision l’Amérique de cette époque : guerre froide, discriminations et statut de la femme.
D’ailleurs, Janet Armstrong n’est pas la simple spectatrice priant pour son mari que nous sommes accoutumés à voir dans ce genre de films. Ancrée dans sa réalité de femme au foyer, elle essaie de ramener son mari sur Terre, lui rappeler que la vie suit son cours ici.
Dans ses scènes spatiales, le film exprime l'immensité de l'espace comme Gravity tout en utilisant une mise en scène opposée. L'action est parfois presque illisible, la caméra n'est pas flottante mais plaquée contre la carlingue de la fusée, le montage est haché. Tout cela renforce l'aspect dangereux de la mission et la technologie primaire qui véhiculait les astronautes. Le décollage de Gémini 8 est une scène des plus sensorielles : aucun plan n'est fait à l'extérieur de la fusée, on suit le décollage depuis le cockpit exiguë avec Neil Armstrong... Le tout en temps réel. On a là une véracité que ne renierait pas Philip Kaufman.
Enfin, mention spéciale à la partition simple et magistrale de Justin Hurwitz. Le thème déchirant joué au thérémine a contribué à faire jaillir ma petite larme à la fin du film (ce qui n'arrive que très rarement, j'suis pas un fragile !... Snif !)
J'en déduis donc qu'à chaque film, Damien Chazelle regarde toujours plus haut... Vivement le prochain !