Threads transpose à l'écran un cauchemar. Le genre de cauchemar d'un réalisme tel qu'il subsiste au réveil un troublant vertige. Et pour cause, deux ans après la sortie de ce téléfilm, la catastrophe nucléaire Tchernobyl a eu lieu. Le Cinéma ne trouve pas ici sa place dans la démonstration de l'horreur, mais à travers sa capacité à nous mettre à la place des victimes, de nous faire croire de la façon la plus sincère et austère qui soit, que le pire se produit sous nos yeux. Autant prévenir les futurs spectateurs de Threads : l'humour british est bien loin de la bourgade de Sheffield.
Au-delà de la froideur documentaire qui nous assène des intertitres factuels sur les conséquences d'un holocauste nucléaire, l'effroi intervient lorsqu'on constate l'attention qui a été apporté aux détails. Pour les mieux lotis dans leur bunker par exemple, ce sont les simples gouttes d'eau provenant d'une fuite au plafond, les paquets de cigarettes vides étalés sur la table ou la poussière omniprésente qui vont faire monter le sentiment de claustrophobie. Des petits riens qui insufflent une immersion directe et qui rendent palpables les instants d'horreur pure.
Les télés et radios étant les seuls vecteurs d’informations sur ce qui se passe dans les sphères décisionnaires des deux blocs Américain et Soviétique, on se sent constamment écartés du conflit mondial en cours. Le sentiment d'impuissance à venir n'en sera que plus grand. Car avant le drame, le film installe des personnages, des gens crédules comme vous et moi qui tentent de construire leur avenir (arrivée d'un enfant, tromperies et passions). Après, la plupart des protagonistes trépassent sans qu’aucun artifice scénaristique ne nous y prépare. Cette désolation peut faire penser à La Route de Mangold, sauf qu’ici, il n’y a pas de place ici pour la poésie ou l’espoir d’un océan... juste des décombres parsemés de corps inertes et de survivants fantomatiques en souffrance. Les années s’écoulent après la catastrophe et malgré les efforts des survivants, la vie ne pourra jamais reprendre son cours sur cette terre traumatisée. C’est le terrible constat de Threads, appuyé par ce plan final qui réduit tout espoir à néant. Les plus chanceux sont ceux qui sont partis en premier.
Mick Jackson livre ici une oeuvre préventive redoutable, mais elle est aussi une réflexion sur l’Homme, son génie et sa folie. Ainsi, épaulé par la métaphore de l’araignée à son ouverture, Threads rappelle à quel point notre individu fait partie d'un tout précieux et fragile.