Film oublié de tous - et forcément peu connu vu la joie ineffable et la bonne humeur qui saisissent le spectateur après visionnage - Threads, c'est un peu Le Jour d'Après sans le bullshit de film catastrophe, sans le décorum mélo et gnan gnan, l'identification forcée aux gentilles familles qui vont perdre leur cheveux en vilipendant le poing levé les méchants (russes) qui ont brûlé le ciel.
Réalisé par Mick Jackson, qui des années plus tard commettra l'irréparable avec Bodyguard - oui oui, celui avec la gueularde et le playboy des fonds marins - Threads, c'est l'apocalypse nucléaire version télévision britannique : sans glamour, sans pathos, sans catharsis et surtout sans la moindre issue possible. Une sorte d'apéro à la Route de McCarthy, tout aussi joyeux et primesautier, mais encore plus réaliste.
Docu-fiction au format assez inédit à l'époque, Threads, c'est la progression crédible d'une escalade guerrière, la vie post-explosion de gens normaux complètement détruits par les radiations, enfermés dans leur caves ou sous les décombres, en train de se bouffer ou de se gerber dessus pendant que le restant de ce qui fut un gouvernement s'écharpe dans un pseudo abri en réalisant qu'ils vont crever comme tous ces cons anonymes déjà morts par millions. Les fils (threads) se sont définitivement rompus, et il n'a pas fallu plus de quelques secondes.
Réalisé avec des moyens très limités, Threads est souvent cheap, assez basique, froid, et terne. Ce qui colle finalement plutôt bien avec cette description clinique et effrayante d'une civilisation réduite en cendres et à néant par la connerie politique et militaire. Epidémies, famines, maladies, naissances de bébés difformes, rien ne nous est épargné. Car Threads ne s'arrête pas dans le post-traumatique et dans les pseudos promesses de reconstruction façon hollywood : il montre comment, strate après strate, année après année, l'homme redevient une bête illétrée et violente, livrée à elle même dans un moyen-âge post-nucléaire ou plus rien ne survit.
Bien sûr, la pauvreté visuelle de l'ensemble et le budget de téléfilm prêtera à rire, et ne convaincra pas les gens habitués aux fastes et aux conneries grand spectacle d'un 2012 ou de tout autre superproduction qui fait péter la croûte terrestre et déplace des planètes à coup de CGI.
Sauf qu'ici pas de calendrier maya et autres prophéties débiles juste bonnes à faire flipper le neuneu. Une démonstration calme, mathématique et très documentée, de la mécanique de disparition de la civilisation. Glaçant.