Threads, téléfilm anglais diffusé par la BBC en 1984 et réalisé par Mick Jackson , est un film pré-post-apocalyptique nucléaire.
A contrario de pas mal de films catastrophes du genre, où traitant de l'apocalypse via l'arme atomique/nucléaire - Docteur folamour, par exemple, pour citer le plus connu - , Threads n'essaie pas forcément de raconter une histoire emmenée par ses personnages.
Ici, ce sont les personnages qui sont emmenés par l'histoire, ils ne sont qu'un pretexte pour la mise en forme et en pratique d'une hypothèse mise en scène à l'écran par le réalisateur : Si une guerre nucléaire éclatait, quelles en seraient les conséquences pour la population, immédiates, à court, moyen et long terme ?
Pour se faire, le film adopte un aspect narratif type documentaire, structuré.
Dans un premier temps, c'est le contexte du conflit qui est posé, tout en suivant le quotidien banal de deux familles anglaises. C'est ce point qui constitue toute l'originalité du film, car à ce quotidien est habilement intégré de nombreuses scènes où ils regardent les infos à la TV, ou les écoutent à la radio.
La situation diplomatique entre l'URSS et les états unis est tendue, et ses répercussions sont lourdes de conséquences sur la scène internationale, mais aussi dans le quotidiens des personnages que nous suivons, qui essaient tant bien que mal de continuer leurs vies, malgré l’extrême tension que l'on ressent profondément chez chacun d'eux, car les anglais sont alliés proches des états unis et directement impliqués dans le conflit.
Les informations tentent de minimiser le degré de danger de la situation, le gouvernement instaure petit à petit des restrictions, des gouvernements locaux sont mis en place, les routes sont coupées, mais le peuple anglais devant tant d'informations contradictoires – Gravité des événements relayés à la TV / Minimisation cependant de la menace par la parole dans les infos - n'est pas dupe et manifeste allègrement, la tension est à son comble, ça sent dans les regards, dans les décisions des gens, qui font le plein de nourritures ou fuient la ville.
Les infos continuent de tourner en boucle, il devient étouffant de les regarder, on se croirait en 2016 après une journée passée devant BFM TV, la situation est insupportable !
Les mesures de préventions arrivent, fatalement :
Il est temps de vous préparer vous et votre famille au cas où une attaque aérienne surviendrait, cela ne veut pas dire qu'il va y avoir la guerre, mais il y a un risque et nous devons nous y préparer.
Lorsque vous entendez la sirène, vous devez vous abriter immédiatement, et couchez vous.
Vite on plonge et on se couvre !
Sur cet interlude humoristique parce que ça m'a fait penser aux mesures de prévention de South Park, il est amusant de noter que l'épisode de Kucrapok portait le nom de "Volcano" (S01*EP03), qui était aussi le titre du film catastrophe de 1997 avec Tommy Lee Jones, réalisé par... Mick Jackson, qui nous a pondu ce Threads, tout est lié... FLIPPANT !?
Voilà donc ça c'était la mise en contexte, un parti pris de réalisation de type documentaire et à la fois fictif très original, qui nous plonge au cœur de l'action, ultra réaliste, et par conséquent ultra intense pour le spectateur, complètement identifié aux personnages, aussi insignifiants soient ils, tout comme nous. On a peur avec eux, car ça pourrait nous arriver, enfin, ça aurait pu, l'apocalypse nucléaire est maintenant un fantasme qui n'est plus d'actualité, heureusement.
D'ailleurs, la scène de l'attaque en elle même et de ses retombées directe sur la population atteint un summum d'intensité, non pas que les effets spéciaux soient géniaux, au contraire très minimaliste, mais comme toujours, le spectateur est plongé au coeur de l'action et on suit les personnages PENDANT que la bombe explose, montrant les morts, la détresse et la souffrance des hommes, des femmes et des enfants touchés, la destruction du décor, comme si on y était. Puis comme c'est des personnages qu'on a suivi depuis le début, l'effet d'identification est amplifiée et donc le ressenti dramatique intensifié.
Autre point fort du film, c'est qu'il ne cherche pas à imposer un point de vue ou à ranger tel ou tel belligérant dans la catégorie du bon ou du mauvais, on se contente de suivre au plus près de simples gens, et de traiter de manière réaliste les impacts sur la population précédents les attaques, et les impacts suivant l'impact, donc, la deuxième partie du film...
Là ou l'aspect documentaire dans la première partie métait en avant un scénario probable de déclenchement de l'apocalypse, la deuxième s'acharne à vouloir au mieux essayer de restituer les conditions de vie dans lesquelles vivraient les rescapés dans les jours, mois, et années à venir.
Et il faut avouer que la restitution est foutrement bien faite, les décors puent la saleté, la mort, la maladie, le sang, un travail admirable de destruction de la propreté. Je me sens sale en regardant les décombres du monde, j'ai envie de prendre une douche, de sortir prendre un grand bol d'air frais tellement je me sens oppressé. Carl Sagan, éminent scientifique américain, a travaillé sur le film et apporté ses compétences techniques pour essayer de rendre au mieux les conditions de vie après un hiver atomique.
Plus de télévision, donc plus d'infos à la TV pour expliquer ce qui se passe dans le monde, mais une voix OFF, présente régulièrement depuis le début du film, revient pour nous expliquer toutes les conséquences climatiques, humaine, biologiques et technologiques de l'attaque, je vous les laisserai découvrir par vous même, mais rien n'est oublié. Un petit exemple quand même, pour bien faire comprendre qu'on retournerait à une société moyenâgeuse, la plupart des adultes nés après l'apocalypse nucléaire ne savent pas aligner une phrase grammaticalement correcte.
C'est donc une reconstitution "non-historique" menée de main de maître, se voulant hyper réaliste et dégageant une atmosphère difficilement soutenable, que je ne peux que vous recommander.
La fin du film résonnera comme un non-cri de désespoir en suspens face à la découverte d'une des nouvelles horreurs engendrée par la folie de l'homme, et ce des décennies plus tard.
A la fin du film, j'étais content d'avoir vu un bon film, et heureux que ce ne soit qu'un film.