Après un Whiplash retentissant et un La La Land surévalué, Damien Chazelle signe pour son troisième film une adaptation de la biographie de Neil Armstrong nous montrant la face cachée de l'homme au centre de l'événement le plus médiatisé de la conquête spatiale.
Plutôt que le spectaculaire auquel le réalisateur Franco-américain nous a habitué, c'est sur fond de drame intimiste qu'il choisit de raconter le premier pas sur la Lune ; Armstrong y est ainsi dépeint en homme endeuillé, renfermé et distant, délaissant sa famille au profit de son travail — qui coûte quand même la vie à quatre de ses collègues et amis — et ne remettant jamais son comportement en question.
Ce qui aurait pu donner lieu à un film à la réflexion intéressante se voit hélas plombé par une ambiance morose et froide, rendant cocasse le choix de son acteur principal. L'on peut entendre d'ici ricaner les détracteurs de Ryan Gosling : excepté lors d'une scène émouvante en début de film, l'acteur Canadien ne jouera une fois de plus que le monolithe inexpressif qu'on lui reproche trop souvent d'être, la fameuse réplique "C'est un petit pas pour l'Homme, un grand pas pour l'Humanité" n'étant pas du tout raccord avec le personnage qu'il interprète en plus de faire complètement tache au milieu de l'ambiance générale du film.
Car bien que poétique, ce biopic se révèle une œuvre plutôt déprimante où le drame se substitue au spectacle, où l'homme remplace la nation et où un exploit technologique de proportion Historique paraît terriblement anecdotique (le planté du drapeau américain ne sera pas montré, à la place l'on verra l'astronaute jeter le bracelet de sa défunte fille dans un cratère ; pas de retour sur Terre non plus, mais une ultime scène sans dialogue où Armstrong et sa femme s'observent à travers une vitre de confinement, etc).
Parti-pris certes risqué mais du même coup déconcertant, surtout au vu des moyens employés : Chazelle, qui avait obtenu l'Oscar du meilleur réalisateur l'année passée, délaisse ses plans-séquences et sa photographie léchée pour une caméra mobile et une imagerie étonnement sobre, presque démodée — ceci étant peut-être dû à renforcer l'impression que le film prend place dans les années 60 ? — tout en optant pour le réalisme le plus pur lorsqu'il filme les voyages spatiaux. Épileptiques et migraineux s'abstenir, ça vibre, ça tremble et ça tourne dans tous les sens ; la scène d'ouverture, celle de l'entraînement et surtout le premier arrimage où les nerfs d'acier et le sang-froid d'Armstrong sauvent la situation de justesse font que l'on s'y croirait vraiment, tant elles génèrent à la fois sensations et anxiété.
Mais c'est surtout du côté de sa musique que First Man sauve les meubles et se hisse au dernier moment au-dessus de la moyenne : se faisant discrète pendant les deux bons premiers tiers du film, la partition de Justin Hurwitz (compère et compositeur attitré de Chazelle) se révèle peu à peu jusqu'à exploser de façon magistrale à son point d'orgue, qui débute au moment où les astronautes d'Apollo 11 embarquent pour le voyage de leur vie et s'achève lors de la scène très attendue de l'alunissage. Simple mais puissante et surtout très mémorable, la B.O de First Man peut se targuer de rester en tête longtemps après visionnage.
Au moins un bon point pour lequel on se souviendra de ce film...