Damien Chazelle confirme son talent de conteur avec First Man, avec un parti-pris à la fois narratif et artistique fort. D’abord, ne pas raconter une histoire que tout le monde connait : la conquête spatiale et les premiers pas sur la lune. Non le réalisateur choisit de s’attarder à l’humain dans le scaphandre.


First Man est ainsi déconcertant, je ne m’attendais pas à plonger dans les relations de Neil Armstrong avec son entourage, et surtout avec lui-même. Ryan Gosling incarne (encore) un personnage taciturne, qui a du mal à gérer et communiquer ses émotions et pensées. Un homme qui s’enferme dans le travail, se projette dans les étoiles pour ne pas penser à la perte prématurée de son enfant. Si j’ai trouvé les acteurs, principaux comme secondaires, très justes et subtils, j’ai eu plus de mal avec l’aspect presque trop didactique de la prise en compte du deuil de Neil Armstrong. Damien Chazelle en fait presque trop, ce qui à mon sens réduit toute la motivation d’Armstrong pour la lune à cet unique - bien que tragique - événement. Il occulte presque les autres deuils du film, ceux inhérents à la course aux étoiles. Et au passage, rend le cosmonaute à l’attitude froide et désagréable avenirs sa famille et ses amis assez antipathique. Certes, il se reprend à la fin, mais c'est surtout Claire Foy qui porte cette séquence.


C’est finalement dans les navettes qu’on ressent le plus d’émotions, magnifiée par une shakycam ici utilisée à bon escient. Les tests de cosmonautes et tous les voyages sont filmés pour nous inclure dans cet ascenseur émotionnel, viscéral, sous pression constante de l’échec qui signifie souvent la mort. Et la séquence si silencieuse de l’arrivée sur la lune en est un résultat d’autant plus fort. Comme si ce silence d’un coup permettait de passer à autre chose, de se libérer.


Dommage en revanche d’être resté sur de la caméra tremblante pour les scènes au sol, qui auraient mérité une identité propre, et plus d’attention. On note cependant le choix d’un grain qui évolue avec les âges, point sympathique bien qu’anecdotique.


Damien Chazelle choisit de ne pas faire un film épique sur la conquête de l’espace, et de réaliser une œuvre très personnelle, plus intime. Si je n’ai pas accrochée autant au film que je l’espérais, je reste toujours captivée par ce réalisateur qui suscite l’envie et le débat à chacun de ses films.

AlicePerron1
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le 24 oct. 2018

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Alice Perron

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