Nouveau changement de registre pour Damien Chazelle, qui signe avec First Man une odyssée spatiale aussi intime qu’épique et narre à hauteur d’homme la concrétisation d’un projet d’une ambition démentielle.
Le réalisateur reste attaché à ses thèmes de prédilection, le dépassement de soi quasi obsessionnel et le sens du sacrifice. Il s’intéresse cependant moins à la prouesse technologique et au poids politique qu’au parcours intérieur de l’astronaute qui aura été hanté toute sa vie par la perte de sa petite fille. Le deuil, la mort en général, planent constamment sur ce destin hors norme.
La caméra ne quitte pratiquement pas Gosling qui interprète Armstrong, et le filme au plus près, de manière presque intrusive. Cette proximité vaut également pour les scènes plus techniques, qui sont toujours vécues de l’intérieur. Elles rendent compte de la rusticité des navettes (les boutons de fortune, les boulons et les vis qui semblent tenir par l’opération du Saint-Esprit) et expriment autant un degré de confiance en soi et en son équipe illimité, qu’un sacré degré d’inconscience. Chazelle nous offre ainsi quelques scènes de conquête spatiale au réalisme fulgurant, immersives et tétanisantes, d’autant plus que le reste de son film n’est jamais dans la démonstration. Une expérience sensorielle assez démente renforcée par un superbe score musical, tour à tour discret et opératique. Et qui de mieux que Ryan Gosling pour incarner Neil Armstrong, héros discret et taiseux ? Son jeu tout en intériorité est parfaitement mis en valeur par Chazelle qui ne se prive pas pour filmer son regard stoïque, mais toujours parcouru par une grande variété d’émotions. Il est de ces rares acteurs qui sont capables d’exprimer beaucoup sans dialogue ni excentricité. Son interprétation sonne comme une évidence, tout comme le choix de Damian Chazelle de raconter l’un des événements les plus marquant du siècle dernier à travers un prisme très intime, sans pour autant perdre de sa spectacularité. Il signe à une nouvelle échelle, un nouveau grand film.