En finissant le film, je ne regrettais qu'une chose ; c'est de ne pas l'avoir vu au cinéma, car outre que j'ai beaucoup aimé, c'est presque une expérience physique.
Là où le choix de Damien Chazelle est culotté, c'est de ne pas faire de l'histoire du premier homme à avoir marché sur la Lune comme une épopée façon L'étoffe des héros ou Apollo 13, mais d'en faire un drame intimiste sur un homme, Neil Armstrong en l'espèce, qui doit vivre avec le souvenir de sa fille décédée huit ans plus tôt des suites d'une tumeur au cerveau.
C'est peut-être ce qui a choqué le plus le public, américain en particulier, comme quoi on ne voit pas par exemple le planté du drapeau, ni aucun élan patriotique digne de ce nom, car le voyage vers la Lune était aussi une guerre d'image face aux Soviétiques qui avaient, eux, envoyé le premier homme dans l'espace.
Mais malgré cette volonté de rester au fond d'une grande sobriété, c'est parfois spectaculaire, comme les deux décollages, celui de Gemini VIII et Apollo 11, qu'on vit de l'intérieur, et dont on dirait que tout va exploser à l'intérieur ; l'image tremble, le son se fait assourdissant, le décollage s'accompagne de sortes d'explosions pour suggérer la poussée, on est avec eux, et vraiment, on se dit que le voyage ne va pas être de tout repos. A l'opposé, la scène d’alunissage, et la sortie de la capsule, juste avant que Neil Armstrong prononce ses premiers mots sur ce nouveau territoire, c'est extraordinaire d'intensité, accompagné pour le premier moment de la musique de Justin Horwitz et du silence absolu de l'autre. Frissons garantis.
Quand aux acteurs, si Ryan Gosling est l'homme rêvé pour jouer un homme dénué d'émotions, une bûche, je suis très surpris par le jeu par contre intense de Claire Foy, qui incarne sa femme, qui soutient du bout des lèvres la mission de son mari en souhaitant qu'il ne disparaisse pas lui aussi, et qui n'hésite pas à en remontrer aux responsables de la Nasa lorsqu'ils semblent lui cacher des messages d'Armstrong.
Mais plus que l'histoire lunaire, Fist man est celle d'un homme qui vit avec son deuil, son chagrin, le désespoir d'avoir perdu en 1961 sa petite fille ; tout le ramène à ce drame, jusqu'au décès accidentel de pilotes, et il gardera sur lui le bracelet qu'elle portait, et dont au fond la Lune sera son tombeau.
Le pari de Chazelle est au fond osé, de parler d'une autre histoire, secondaire dans ce qui fut la Grande histoire du 17 Juillet 1969, mais il en résulte un film vraiment touchant, accompagné d'une excellente mise en scène qui nous fait rentrer dans ce drame intimiste dans l'immensité de l'espace.