Baptisé East is East et sorti dans les salles anglaises en 1999, le film a été rebaptisé Fish and Chips de notre côté de la Manche. Il n’est pas certain que ce titre ait été plus clair pour nous autres, amateurs de bœuf bourguignon, mais il se tient.
Le fish & chips est un plat anglais populaire, composé de poisson pané et de frites, servi dans les échoppes du même nom. Comme beaucoup d’autres petits restaurants sur rue, ils représentent de belles opportunités professionnelles pour des populations immigrées.
La famille qui tient le fish and ship shop du film est dirigée par George Khan, un immigré pakistanais aux manières un peu rustres. Il n’a jamais coupé le lien avec son pays, c’est un patriote, les traditions sont importantes. Il s’est pourtant marié à Ella, une anglaise, et ensemble ils ont eu 6 garçons et une fille. Mais nous sommes dans l’Angleterre des années 1970, les enfants n’ont pas tous envie de respecter des rituels ou une religion qui leur échappent.
Le film adapte la pièce du même nom d'Ayub Khan Din, un “British Pakistani” né en 1961 d’un père pakistanais et d’une mère anglaise. L’expérience vécue semble rejaillir, tant le sujet semble proposé ici avec une grande crédibilité. Car le thème de l’immigration et des origines entraîne un certain nombre de conséquences, que le film traitera parfois avec une certaine vitesse, quand il en approfondira d’autres. L’autorité du père de famille en est une, entraînée par un entourage pakistanais traditionnel, dont l’exercice mènera le film vers des moments plus durs, malgré toute la sympathie qu’on avait pu ressentir pour le côté un peu gauche de George.
Surnommé “Gengis” par ses enfants, ce père a bien du mal à accepter les volontés d’indépendance de sa progéniture. Tous les moyens sont bons pour lui cacher leurs petits manquements à la morale traditionnelle, dans une surenchère de petites libertés prises, de colères ravalées mais aussi d’éclats d’indépendance.
Entre culture anglaise et culture pakistanaise, le film brasse les deux, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Dans cette ville anglaise toute en brique, dont l’humidité sur les pierres ne semble jamais pouvoir sécher, c’est un monde prolétaire qui s’ébat, qui joue dans la rue, tous ensemble. Et tant pis pour les quelques réacs qui ont peur de l’étranger, une vieille rengaine mais qui froissera toujours le coeur de ceux qui ont choisi une nouvelle patrie. C’est aussi le cadre de ces petites maisons anglaises, dont la décoration des années 1970 est typique, entre bibelots et papiers peints aux motifs floraux sans caractère. On se croirait dans le clip “Our House” de Madness.
Mais pour cette famille à cheval entre deux mondes, c’est aussi quelques rituels qui pourront nous sembler hors d’âge, tels que la circoncision ou le mariage arrangé, mais aussi une bande son qui pioche dans les sonorités de l’autre bout du monde, ainsi qu’une séance au cinéma qui nous offre un autre bout de cette culture. La famille Khan est d’ailleurs bien entourée, entre anglais pur-souche et immigrés pakistanais, chacun avec des idées parfois très précises sur comment vivre sa vie dans cette Angleterre qui n’est plus un Empire.
Il y a une certaine agitation dans ce film, qui est toujours en mouvement. Les personnages vont et viennent, rentrent et sortent du cadre. La distribution est large, elle est épatante. Il y a Om Puri et Linda Bassett dans leurs rôles de parents, qui se chamaillent, s’opposent et parfois s’aiment, le beau Jimi Mistry qui aura une petite carrière hollywoodienne par la suite et tant d’autres. Le film est rempli de relations, qu’elles soient familiales, amicales, professionnelles ou culturelles, parfois dans des jeux d’influence habiles ou pas. Fish and chips est rempli de vies.
Filmé avec un certain sérieux par Damien O’Donnell qui s’autorise même quelques plans plus audacieux, Fish and Chips est donc une comédie où l’ancrage anglais et les influences pakistanaises font des étincelles. C’est un film qui parle d’intégration et de multicuturalisme, à la fois drôle mais aussi plus émouvant.
Grand succès du cinéma anglais, le film a connu une suite en 2010, reprenant une bonne partie des acteurs mais pour s’exiler cette fois du côté du Pakistan.