Epuisé par la logistique infernale de son "... Baron de Munchaüsen", le cinéaste Terry Gilliam semblait vouloir revenir à un cinéma plus modeste, plus libre, moins dépendant d'un succès public obligatoire. Le papa de "Brazil" se penche alors sur la légende arthurienne du Roi Pêcheur, un des derniers gardiens sacrés du Graal, l'adaptant bien évidemment à son univers si particulier.

Rédemption d'une star déchu de la radio tout autant que quête spirituelle et cathartique d'un homme brisé par la vie, "Fisher King" étonne par sa liberté de ton, par son mélange des genres, multipliant les ruptures et jonglant sans cesse entre rires et larmes. Alors que sa patte aurait très bien pu être noyée sous le lustre bienveillant d'Hollywood, donner lieu à un mélodrame consensuel et passe-partout, Gilliam tiens bon, fusionnant le scénario de Richard LaGravenese avec ses propres obsessions.

Le résultat est une réussite visuelle incontestable, baroque et onirique, complètement folle et aux multiples niveaux de lecture. D'une puissance émotionnelle renversante, "Fisher King" offre à ses comédiens une belle occasion de briller. En animateur radio égocentrique et rongé par la culpabilité, Jeff Bridges donne le meilleur de lui-même, à la fois détestable, attachant et foncièrement paumé. Face à lui, Robin Williams, nommé pour l'Oscar du meilleur acteur, est saisissant, donnant corps aux démons de son personnage avec un abandon qui laisse sans voix.

Prenant le parti de ses laissés pour compte à qui l'on préfère donner la pièce plutôt que les regarder en face (dixit le clodo interprété par Tom Waits), Terry Gilliam règle violemment ses comptes avec l'Amérique de l'époque, avec ses Golden Boys bourrés de pognon et se goinfrant dans des restos chicos pendant que la populace bouffe ses pompes. La fable est peut-être naïve mais elle n'en reste pas moins sincère, forte, aussi drôle et décalée que bouleversante, et m'a surtout permis de contempler à nouveau cette étincelle magique qui émanait du regard d'un comédien ô combien talentueux parti trop tôt.
Gand-Alf
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le 8 févr. 2015

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Gand-Alf

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