Fleur d'oseille par Alligator
fev 2012:
Curieux, je n'avais jamais vu ce film. Je connais pourtant mon Georges Lautner par cœur. Du moins le croyais-je.
Curieux également parce que le film est très flou dans son genre, ce qui n'est pas plus mal. On ne sait si l'on est dans un polar, une comédie ou un drame. Le sujet est troublant.
Charpenté sur le personnage joué par Mireille Darc, c'est tout de même encore un film d'hommes. Michel Audiard est aux dialogues. Pas le meilleur Audiard, mais son style s'identifie parfaitement. J'apprécie toujours mon petit Audiard, comme quelques rondelles de saucisson poivré pour l'apéro d'ailleurs mais je m'égare (j'ai trouvé une saucisse sèche du Perche... oh mes aïeux! je m'en régale toutes les semaines et je continue de m'égarer). Ici, Audiard ne s'investit pas très fort cependant. M'enfin, ce fieffé salopard a un si beau brin de plume qu'il arrive avec rien à trousser un joli texte. On le sent sur la réserve, à l'économie. Tout en retrait. Quelques lignes fusent, mais c'est presque par habitude. On écoute avec plaisir, mais sans jubilation extrême comme de coutume. Soit.
Quand je vois cette réalisation encore plus osée, plus originale et couillue qu'à l'accoutumée -même si Georges Lautner n'a jamais été un lâche ni un pépère derrière sa caméra- je me dis qu'il s'est éclaté à filmer cette histoire. Entre le champ très vaste des couleurs et l'usage très large du cinémascope, ainsi que surtout le traitement bi-focal (excusez si le terme est impropre) du cadre, bien avant le procédé mis en place par Brian de Palma qui permet d'avoir les plans avant et arrière très nets sur le même cadre, le film fait preuve d'invention, d'une certaine audace, en tout cas d'une envie d'innover, de proposer des images neuves, dynamiques et belles. J'ai la nette impression que le cinéaste, n'ayant pas à se farcir les egos surdimensionnés des stars mâles qu'il avait l'habitude de diriger, s'est un peu plus lâché sur l'esthétique de son film. C'est assez heureux.
Dommage que l'histoire soit aussi peu bandante! Peut-être aussi que le film souffre d'un manque de souffle chez certains comédiens.
Mireille Darc est un peu dans un registre grave, trop sérieuse au début du film. Le scénario l'entraine presque dans une histoire qui ressemble à ces édifiantes aventures mélodramatiques qu'on servait aux jeunes filles en fleur, jadis, pour les dissuader de voir le loup de n'importe qui, ces histoires de filles-mères abandonnées à leurs tristes sorts. Aussi l'actrice prend-elle un air "cocker triste" dans les premières minutes qui se transforme parfois en moue boudeuse peu expressive.
J'ai bien aimé la grandiloquence ridicule de Paul Préboist. Si cet acteur a mangé un énorme tas de sous-rôles vérolés tout le long de sa carrière, il a su tomber sans doute par hasard sur deux ou trois emplois pas trop dégueus. Même si celui-là est exubérant et passible de la peine de grotesque, j'avoue que j'en ai apprécié la fantaisie et le verbe (ou du moins le port de l'Audiard classique). On peut le compter dans les prestations honorables. Hum voilà tout.
Anouk Ferjac qui accompagne Mireille Darc est tout en ambiguïté saphique mais je suis resté indifférent à ce rôle peut-être un peu trop faible à l'écriture.
D'Henri Garcin, j'avais le souvenir un tantinet affectueux de sa participation récurrente dans "Maguy" que j'ai pu voir quand j'étais gamin et celui beaucoup plus heureux de sa performance dans "La vie de château" qu'il faudrait que je revois tellement ce film était frais. J'ai une assez bonne estime de ce comédien, son style, sa voix, son élégance naturelle, matinée d'intelligence inquiétante, mais dans ce film, je n'accroche pas du tout. Je trouve le personnage insipide, peu crédible.
Mais il n'est pas le seul. D'André Pousse à Amidou, beaucoup d'autres ne décollent pas vraiment de leur strapontin. Ça gesticule et les mots d'Audiard ne déploient guère d'envergure dans leurs bouches. Ça tombe à plat. C'est triste.
Le film est coloré mais ne conte guère qu'une histoire assez monochrome. Un Lautner trop attentiste peut-être?