On résume souvent la riche filmographie de Michel Audiard aux seuls Tontons Flingueurs (1963) et Barbouzes (1964) ou aux Belmondo tardifs.
En fouillant un peu, certains se rappellent les « Gabin » des années 50 méprisés par la critique et par la Nouvelle Vague (plus vague que nouvelle disait Audiard) et adorés par le public.
On retient souvent les images et les mots de personnages virils portés notamment par Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et bien sûr Bernard Blier.
On oublie malheureusement ces actrices qui savaient balancer les répliques. Elles n'étaient pas si nombreuses mais elles se posaient là. Françoise Rosay, Marlène Jobert mais surtout Mireille Darc, Dany Carrel et Annie Girardot , c'est-à-dire les stars des vingt années post Tontons. Ici c'est Darc.
Parmi toutes les pépites d'époque : Fleur d’oseille. Le plus méconnu des enfants des tontons. Un Lautner en scope, en couleurs et en Audiaphonie. Détourné plus qu'adapté du roman noir « Langes radieux » de Jean Amila, ce n'est pas un film sensible et intelligent. Qu'on ne se trompe pas. C'est un Lautner-Audiard, épicétou. L'histoire n'est qu'un support pour présenter des personnages qui parlent, qui racontent. On est dans la langue. Vous avez aimé André Pousse dans les « Canards sauvages » ? Il est là pareil... régalez-vous. Vous ne l'aviez pas apprécié ? Regardez autre chose, il n'y a rien à analyser. Pas de message, pas de cohérence ni de suspense. Juste un festival de trognes, de faux derches et de citations. Mais attention ! Ceux qui n'ont pas une culture de l'occupation allemande risquent de louper des allusions : « C'est un ancien de la carlingue, Riton ! Il était garçon de bain rue Lauriston » (je spoile pas, j'évoque). Ça va vite, c'est dit dans l'action par un Maurice Biraud menaçant.
Il y a aussi un peintre maudit joué par Préboist qui, bien servi, montre quel acteur génial il aurait pu être plus souvent.
Comme tout le monde, Amidou en fait des tonnes et Micheline Luccioni, autre audiardeuse aimée, fait une apparition réjouissante.
Attention ! Ça commence comme un polar sérieux, mais je vous rassure, ça s'allège petit à petit.
Et ça finit en western. Les malfrats s'appellent « Jambe de laine, Roule à plat », on est chez Audiard. Tout est vivement filmé, on est chez Lautner. Les femmes s'émancipent avec vigueur, on est en 1967 : « Les jules sont tous convaincus de leur supériorité. Ils nous voient toutes au garde-à-vous. Le pire demi-sel, le plus tocard des traîne-lattes se prend pour Scarface. Rouler des mécaniques, c'est la maladie des hommes. »
Que les aficionados se concentrent et prennent des notes ; qu'on ne me dise pas qu'il y moins de répliques que dans les tontons. Y en a. Elles n'ont pas été rabâchées partout et tout le temps, c'est tout.
Les intellos peuvent regarder s'ils oublient 1h30 qui ils sont.
N'attendez rien de ce film, vous seriez déçu. Ne le loupez pas, ce serait dommage.