Itinéraire d'un Tueur Déboussolé
Après plus de 3 ans de prison pour meurtre, le yakuza Muraki ne reconnaît plus le milieu criminel dans lequel il a évolué. Son gang est métamorphosé, les règles ont changé. Il n'est désormais plus question d'honneur, de courage, de respect. Seulement question de business, et de gestion. Passif, résigné, inadapté, il n'a pas plus sa place dans ce monde interlope, il est en mal de reconnaissance. Cet homme est l'incarnation de cette société japonaise d'après-guerre en perte de repères.
Malgré tout, il continue à fréquenter ses anciennes relations criminelles, et trouve dans les jeux d'argent le refuge idéal à sa troublante désillution. C'est à ce moment que l'évènement déclencheur intervient, c'est-à dire la rencontre avec la jeune Saeko. C'est elle, la fleur pâle énoncée dans le titre, la pureté confrontée à la brutalité, la beauté lumineuse éclatante d'innocence comparé à la pourriture ambiante de son environnement. Cette lueur d'espoir dans la misère, devient également la raison de vivre de Muraki, l'illusion d'une renaissance inespérée.
Rencontré sur les tapis de jeux, ils deviennent tout naturellement un couple de "flambeurs" redoutables, une façon de s'emplir d'adrénaline, de pimenter leur relation. Une relation qui mènera Muraki à sa perte, dévoré par la jalousie, par la fascination, par le désespoir. Jusqu'à sa chute, il n'aura eu d'yeux que pour Saeko, l'un des rares bonheurs de sa petite existence finalement. Trop souvent exploité au cinéma, ce scénario n'a rien de novateur, mais la forme est plus éblouissante encore, et lui donne presque une autre dimension.
L'esthétique est d'une modernité étonnante, d'un caractère contemplatif maladif : les constrastes appuyés du noir et blanc, les éclairages des visages, les éclairages des paysages, la gestion de l'espace et du mouvement, ainsi que les ambiances sonores. Dans ce contexte, inutile de préciser le talent des interprètes, la puissance délivrée par leurs regards, par leurs gestes, par leurs attitudes. Les thèmes sont basiques, comme l'errance, la mélancolie. En tout cas, grâce aux expérimentations formelles, on peut ressentir les états d'âmes des personnages. L'introduction métaphysique au coeur de l'urbanisme place déjà dans l'ambiance, quand le final tragique, lyrique, grandiose, vient porter l'émotion de cette oeuvre aboutie à son paroxysme.