Wataru Hirayama est un cadre supérieur et un père de famille fermement attaché à ses valeurs conservatrices. Un jour, un jeune homme se rend à son bureau et demande la main de sa fille aînée. La décision du père est sans appel : il refuse que sa fille épouse l’homme qu’elle aime.
Ce premier long-métrage en couleurs de Yasujiro Ozu, sorti fin des années 1950, raconte donc les problèmes de la famille, des parents et des enfants en lien avec ce poids des traditions omniprésent dans le film. En effet, à l’époque, c’est une société patriarcale rigide, dans la retenue qui accorde une importance primordiale à la hiérarchie et le respect des règles de bienséance. Un grand nombre de parents vont privilégier la profession du conjoint ayant une bonne situation financière qui pourra garantir la descendance et longévité de la famille. Ou encore une bonne épouse qui sera en mesure de s’occuper de la famille. Ozu utilise majoritairement des caméras fixes à angles bas, car c’est l’idéal pour retranscrire au mieux le Japon : des Japonais ordinaires avec des tatamis, des futons et des pièces typiquement japonaises. Ce n’est pas qu’une question de style, mais la meilleure technique pour crédibiliser et illustrer au mieux ce qu’Ozu veut nous transmettre. De plus, ce cadre de forme rigide confirme les êtres vivants dans leur mode de pensée où « rien ne peut dépasser ». C’est-à-dire que c’est une méthode de fonctionnement stricte afin d’exprimer au mieux le fond des pensées du cinéaste. Celui-ci passait la demi-journée à installer tout correctement comme il le voulait pour que cela paraisse le plus vrai et réaliste possible à l’écran (cf. ci-contre, scène de repas de famille autour de la table).
Ozu était également très pointilleux sur la position des acteurs.
Il corrigeait la moindre inflexion de la voix et ne laissait aucune liberté d’interprétation. Le style d’Ozu est un cinéma authentique, sans superflus. Pas besoin de violence, de meurtres ni de coups de feu pour raconter l’essence de la vie. Là repose l’art d’Ozu. Il affirma d’ailleurs un jour : « Plutôt qu’une histoire superficielle, je préfère montrer des choses cachées, plus profondes, l’instabilité des choses humaines. Plutôt que de pousser l’action dramatique jusqu’au bout, j’ai préféré laisser des espaces vides, comme un arrière-goût plaisant. » . En effet, chez Ozu et dans ce film, la sobriété et les choses plus discrètes sont présentes en abondance, il n’en fait jamais de trop. C’est pour cela qu’il s’est montré si stricte dans la direction de ses acteurs. Il voulait à tout prix éviter les cabotinages et faire ressortir le naturel et la véracité. Cette œuvre cinématographique démontre très bien la difficulté grandissante de la jeunesse à s’adapter aux coutumes et traditions. Ce fossé séparant ces visions du monde opposées créera des tensions et disputes, l’ancienne génération accordant encore énormément d’importance à l’héritage que laisseront les enfants aux dépens de leurs sentiments réels. Fleurs d’Equinoxe illustre à merveille ce fonctionnement familial très présent au Japon. C’est une trace concrète de la manière de penser de l’époque et une facette de la société nippone. Ozu étudie avec cette œuvre le cycle de la vie japonaise de son temps de la manière la plus complète et la plus authentique, et ce, à travers la narration et surtout par la mise en scène. La symbolique du rouge est aussi une des caractéristiques clés du film, les « higanbana », nom du film en japonais sont des fleurs d’un rouge écarlate. La présence de cette couleur, omniprésente dans le film, évoque l’amour ainsi que le « hakenai » japonais. La fin d’un temps pour en venir à l’évolution des mœurs, profonde nostalgie amalgamée de regrets, c’est-à-dire les thèmes fondamentaux du film. Ces termes décrivent donc tout à fait les sentiments du père qui ne parvient pas à s’imposer auprès de sa fille et est contraint à s’adapter à un nouvel âge, une nouvelle vie. Le titre est donc minutieusement choisi pour appréhender les enjeux qui se joueront. Avec ce long-métrage, le spectateur se fait une idée très claire, presque tangible, du Japon des années 1950.