Fleurs d'équinoxe est le premier film en couleur d’Ozu. L’intrigue n’a rien pour surprendre une personne familière de la cinématographie du réalisateur. Une fois de plus elle tourne autour de la famille qui est le seul sujet qu’Ozu a abordé encore et encore dans ses films. Et bien entendu, il s’agit encore d’une histoire de mariage. Le ton est donné dès le début du film avec le discours de Wataru sur les deux formes de mariage : le mariage organisé à l’ancienne ou le mariage romantique auquel les jeunes générations aspirent de plus en plus.

Watabu est le personnage le plus approfondi dans ce film. Son personnage est particulièrement intéressant, il est traversé par une fracture interne que son entourage ne va pas se priver de lui faire voir. Dans ses discours, il encourage le mariage d’amour, la liberté de choix mais dans les faits quand il se heurte à sa fille, Setsuko, tombée amoureuse, son attitude ne colle pas avec son discours.

Comme toujours, Ozu donne de la consistance à ses personnage féminin. Ici, Setsuko tient tête avec force à son père, de façon déterminée :

- Je ne veux pas d’un mariage malheureux, tu vas gâcher ton avenir. Ce Taniguchi, tu le connais bien ?
- Oui.
- Il sera un bon mari ?
- Je le pense. Il ne vient pas d’une bonne famille. Je m’en moque
- Je ne suis pas d’accord
- Tu te trompes. J’ai mes propres idées.
- Tiens donc ! Je t’écoute.
- A quoi bon. Tu ne comprendrais pas

Tout le déroulement du film autour de cet affrontement, via divers personnages qui agissent pour amener le père à évoluer tandis que celui-ci résiste autant qu’il peut. Parmi eux, le personnage de la mère qui n’hésite le moment venu à mettre le mari face à ses contraction. Ce à quoi le père répond en se justifiant : « tout le monde se contredit à part Dieu. La vie est pleine de contradictions. La vie n’est qu’une contradiction ».

Pourtant, malgré la tension de la situation, on ressent une grande paix en regardant ce film. C’est la marque d’Ozu, capable de traiter des sujets dramatiques mais en les enveloppant de douceur. Une douceur qui passe par les paroles et attitudes des personnages qui tout en s’affirmant et en défendant leur point de vue ne se départissent pas de leur calme, à travers la musique qui sonne comme un air de boîte à musique, à travers la réalisation à plans fixes, à travers le rythme paisible qui adopte le rythme réel des actions, à travers les séquences chantées qui prennent leur temps, à travers les visages sur lesquels la caméra s’attarde longuement.

Le cinéma d'Ozu comporte souvent des séquences où un personnage est en contemplation: il ne fait rien, il se contente d'être. Ces séquences contemplatives interviennent souvent à la fin du film comme dans celui-ci. Ce sont des séquences qui nous régénèrent. C'est l'un des bienfaits de la filmographie d'Ozu qui nous arrache au tourbillon du monde moderne pour nous plonger avec ses personnages dans l'instant présent.

Fleurs d’équinoxe est l’un de mes films préférés d’Ozu autant pour ses personnages très bien écrits et développés, que pour ce climat de douceur et de paix qu’il dégage et nous transmet. A quelqu’un qui connaîtrait pas ce grand réalisateur nippon et souhaiterait le découvrir, c’est ce film que je conseillerais de regarder en premier.

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le 28 mars 2024

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abscondita

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