Après de longues années d’absences, Robert Zemeckis revient vers nous avec un film en prises de vue réelles en demi-teinte. Whip Whitaker, alias Denzel Washington, est un pilote vétéran, porté sur l’alcool, la coke et les putes (un mec normal quoi, en plus il s’appelle Whip). Un beau jour son avion défaille, et seule sa dextérité au manche lui permet de sauver la majorité des passagers via un atterrissage d’urgence. S’en suivent les enquêtes de l’agence fédérale en charge de l’aviation, dévoilant l’état d’ébriété du pilote lors de l’accident.
Dans une approche très centrée sur le personnage, Zemeckis nous envoie des rappels à ces œuvres précédentes, et plus particulièrement Seul au Monde. Hormis le crash que ces deux films partagent, c’est la solitude du rescapé qui créé la connexion, mais alors que Hanks ne demandait qu’à être aidé, Washington repousse toutes les mains tendues vers lui, préférant trouver le réconfort dans la défonce. C’est donc deux approches distinctes de la solitude qui sont ici mises en parallèle.
Peu à peu, l’héroïsme attendu s’efface pour laisser place à la déchéance, malgré des efforts de repentance, vite annihilés par la machine juridique qui une fois lancée brisera les bonnes résolutions issues d’une initiative personnelle de Whip (dixit je bois plus/ je bois). Le film commence honorablement, avec un personnage face à ses fantômes, acceptant pour seule compagnie une Kelly Reilly sortie d’overdose, et c’est là qu’on se rend compte de la supercherie : tout semble factice. La question de la religion et de la foi est traitée de façon extrêmement cliché tout au long du film. Pêle-mêle, on pourrait citer le lieu du crash, ou encore le copilote et sa femme (pour une scène absurde au possible). A cette maladresse viennent s’ajouter tous ces éléments maléfiques, comme si en opposition à tous ces personnages baignés de l’aura divine, le Diable rôdait, redemandant ce que veut Whip dans un bar, et ouvrant des portes d’hôtel vers un minibar rempli exclusivement d’alcool, juste ce qu’il faut pour relancer la maladie. Ce qui partait comme une histoire sur les faiblesses humaines se dévoile en réalité comme un film centré sur Dieu. Même replacé dans le contexte d’une Géorgie très pieuse, la pilule a du mal à passer tant est détourné un sujet qui était lancé sur de bonnes bases.
Petites trouvailles toutefois : Premièrement, le personnage de Kelly Reilly, remettant en perspective la vision que l’on est supposé avoir du pilote. Deuxièmement, l’avocat joué par Don Cheadle, qui défend un homme coupable et qui peut être perçu comme le penchant diabolique de la justice américaine, incriminant une action divine comme cause du crash afin de détourner l’attention du pilote. Ceci étant dit, là encore la culpabilité de Whip reste à prouver : a-t-il sauvé l’avion parce qu’il était gris ou non ? Sujet qui aurait sans doute dût être le cœur du film pour qu’il nous soit livré une œuvre plus profonde et plus marquante. Au lieu de ça, on est emmené dans une démonstration des plans salvateurs du Divin.
Le reste tient du déjà-vu et l’on sait très bien où tout cela nous emmène, même si le tournant tant attendu prend son temps à venir. Et le problème est là, la lourdeur du message prend tout son poids sur les dix dernières minutes du film. Exit tous les espoirs de subversion et de remise en question d’un système de jugement et d’assurances aux rouages bien huilés que l’on osait espérer, et laissez place à tout ce à quoi vous vous attendiez.
Malgré cette platitude scénaristique, et une mise en scène sans ambition ni prétention, on peut cependant noter quelques bonnes idées, comme la scène cartoonesque précédant l’audition finale, semblant d’écho à Roger Rabbit. On peut aussi noter que Washington est très bon (il est juste dommage que la portée du rôle ne soit pas à la hauteur), John Goodman joue un John Goodman tout droit sorti des frères Coen, et la scène du crash est vraiment prenante, mais au final, le film n’est qu’une énième production qui marche dans les clous des bonnes valeurs américaines.
On se retrouve là avec une œuvre bancale, ne sachant jamais sur quel pied danser, entre drame humaniste sur fond d’universalité de la faiblesse face à l’addiction, et prêchi-prêcha téléphoné. Zemeckis semble définitivement avoir perdu la main, comme le laissait à penser ces dix dernière années, et on se prend ainsi à regretter les Retour vers le Futur et autres Forrest Gump qui à défaut d’être des œuvres transcendantales, étaient de très bons divertissements à l’efficacité prouvée. Le réalisateur gagnerait à rester dans l’Entertainment pur et dur.