Aucun homme, aucun nom, et un titre qui renvoie explicitement à l’élément liquide et, par extension, à la mise en scène qui l’adopte comme principe narratif et esthétique. Flow déconcerte par son récit qui, tout en respectant les étapes d’un parcours d’apprentissage classique, semble constamment échapper aux repères délimités par des productions de facture similaire, terriblement calquée sur l’humain ; nous avons l’impression de parcourir un monde chaotique du point de vue d’un animal, d’un chat en l’occurrence, comme le proposait il y a peu Jerzy Skolimowski avec EO (2022), épousant la focalisation d’un âne. Et ce chaos, issu du dérèglement climatique, est traité de façon à confondre les tonalités : le tragique se teinte de comique, l’épique ne délaisse jamais le sensible, tout cela au service d’une poésie de chaque instant qui refuse le manichéisme, le dolorisme et la niaiserie.

En effet, le film échappe sans cesse, se rapproche d’une rive pour mieux s’en écarter ; les mésaventures du chat constituent autant de remparts à l’enlisement tonal, portées par une réalisation féline, comprenons furtive et mobile, engagée dans un incessant élan de vie. D’où ce sentiment de voyage planant, amplifié par la musique mélangeant les percussions aux sonorités électroniques, qui laisse la part belle aux sens : comme notre héros à quatre pattes, nous observons un environnement en constant changement, percevons des sons qui nous alertes, sentons venir le danger… L’adage répété par Sido à sa fille Colette trouve ici une parfaite application, lui qui invitait à se taire pour mieux regarder (« Chut !… Regarde… »).

La reconfiguration d’une arche de Noé symbolique, avec un chat, un chien, une marmotte, un échassier et un lémurien achève de donner à Flow des allures de parabole venue d’une autre sensibilité, à échelle animale tout en dialoguant avec son spectateur, jeune comme plus âgé. La dernière flaque d’eau corrige la première, ajoute à la solitude les valeurs de solidarité, de partage – comme celui des poissons multicolores recueillis sur le bateau – et d’entraide bienvenues en ces temps de replis individualistes. Notons enfin que la déambulation parmi les ruines renaissantes d’une Italie présumée déconcerte par sa grande beauté. Une œuvre superbe.

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8

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