La chose qui m’a le plus frappé dans le film du letton Gints Zibalodis, c’est qu’il semble être une adaptation qui ne le dit pas. Celle de jeux comme Journey, Abzu et consorts.


Le cinéaste nous fait visiter les ruines d’une civilisation disparue en gardant le mystère sur ses origines et sa perte, et y déroule le parcours d’un personnage muet qui est étranger à ces lieux, le chat Flow : nom du premier titre du studio thatgamecompany qui est derrière Journey. Si Flow avait été un jeu, il aurait été une copie conforme sans beaucoup d’intérêt. Mais pour le spectateur qui n’a pas touché à ces œuvres, il est frais, novateur et mystique. Il va jusqu'à adopter un style de caméra propre au médium vidéoludique, avec parfois l’impression d’avoir ces plans familiers où l’on passe d’une cutscene à une phase de gameplay. Déroutant de voir ça sur un grand écran, mais l’entourloupe formelle s’intègre parfaitement au film.


On pense également à Fumito Ueda (Ico, Shadow of the Colossus, The Last Guardian) la conception de Flow souscrivant à la philosophie du design par l’épure chère à l'auteur japonais. Ici, pas de lignes narratives superflus et une destination lointaine, saillante sur l’horizon comme seul objectif. Pas de dialogues ou d’antagonistes mais une histoire de survie dans un environnement inconnu et dangereux. Des dessins simples et une animation soignée qui cachent aisément le peu de moyens du projet. Un langage universel qui touche tous les âges et qui passe par une absence d’anthropomorphisme, outre deux-trois scènes qui éraflent un peu le parti pris audacieux et l’empêchent d’être pleinement accompli. Le studio s’est ainsi assuré de faire peu, mais de le faire bien.


La mystique passe aussi par les thématiques qui traversent l'œuvre sans jamais être explicitées, laissant libre cours à l’interprétation du spectateur. Les notions de sacrifice et de renouveau sont abordées, tandis que les événements de ce monde se font en échos évidents au Déluge biblique. Le fantastique intervient à de multiples reprises, assurant le spectateur que cet univers n’est pas le nôtre, notamment avec ces animaux marins et aériens (les seuls qui ne soient pas des espèces existant dans le monde réel) qui apportent leur aide aux bêtes terrestres, médusées…


Durant toute la séance (certes assez courte) j’étais émerveillé à la fois par l’efficacité de ce récit simple, les partis pris esthétiques et narratifs réussis, et la réelle émotion que nous véhicule le bestiaire à la dérive. Les nombreux enfants dans la salle étaient d’un calme olympien, le silence n’étant rompu que par de petites têtes qui pleuraient à chaudes larmes sur la fin. Flow est beau, émouvant, et parvient à mener sa barque sans jamais faillir. Un studio et un cinéaste à suivre, en commençant par rattraper leur film précédent : Away


Avec coup sur coup The Wild Robot et cette pépite, l’animation nous gâte en cette fin d’année.


Créée

il y a 3 jours

Critique lue 19 fois

2 j'aime

Frakkazak

Écrit par

Critique lue 19 fois

2

D'autres avis sur Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau

Du même critique

Assassin's Creed: Mirage
Frakkazak
4

Mi-rage, mi-désespoir, pleine vieillesse et ennui

Alors qu’à chaque nouvelle itération de la formule qui trône comme l’une des plus rentables pour la firme française depuis déjà quinze ans (c’est même rappelé en lançant le jeu, Ubisoft se la jouant...

le 10 oct. 2023

19 j'aime

Spiritfarer
Frakkazak
8

Vague à l'âme

Il est de ces jeux qui vous prennent par la main et vous bercent. Des jeux qui vous entraînent dans un univers capitonné, où de belles couleurs chaudes vous apaisent. Spiritfarer en est. Le troisième...

le 9 sept. 2020

13 j'aime

2

Returnal
Frakkazak
9

Gen of Tomorrow

Cinquante heures pour le platiner, et c'est d'ailleurs bien la première fois que j'arrive à aller aussi loin dans un roguelite. Non pas qu'il soit facile, il est même étonnamment ardu pour un triple...

le 30 juin 2021

11 j'aime

6