Esquisses d’esquif
L’inondation qui ouvre Flow et met à l’épreuve son protagoniste, un chat condamné à affronter sa peur de l’eau, métaphorise à merveille le dispositif mis en place par Gints Zilbalodis : du passé...
le 31 oct. 2024
60 j'aime
5
La chose qui m’a le plus frappé dans le film du letton Gints Zibalodis, c’est qu’il semble être une adaptation qui ne le dit pas. Celle de jeux comme Journey, Abzu et consorts.
Le cinéaste nous fait visiter les ruines d’une civilisation disparue en gardant le mystère sur ses origines et sa perte, et y déroule le parcours d’un personnage muet qui est étranger à ces lieux, le chat Flow : nom du premier titre du studio thatgamecompany qui est derrière Journey. Si Flow avait été un jeu, il aurait été une copie conforme sans beaucoup d’intérêt. Mais pour le spectateur qui n’a pas touché à ces œuvres, il est frais, novateur et mystique. Il va jusqu'à adopter un style de caméra propre au médium vidéoludique, avec parfois l’impression d’avoir ces plans familiers où l’on passe d’une cutscene à une phase de gameplay. Déroutant de voir ça sur un grand écran, mais l’entourloupe formelle s’intègre parfaitement au film.
On pense également à Fumito Ueda (Ico, Shadow of the Colossus, The Last Guardian) la conception de Flow souscrivant à la philosophie du design par l’épure chère à l'auteur japonais. Ici, pas de lignes narratives superflus et une destination lointaine, saillante sur l’horizon comme seul objectif. Pas de dialogues ou d’antagonistes mais une histoire de survie dans un environnement inconnu et dangereux. Des dessins simples et une animation soignée qui cachent aisément le peu de moyens du projet. Un langage universel qui touche tous les âges et qui passe par une absence d’anthropomorphisme, outre deux-trois scènes qui éraflent un peu le parti pris audacieux et l’empêchent d’être pleinement accompli. Le studio s’est ainsi assuré de faire peu, mais de le faire bien.
La mystique passe aussi par les thématiques qui traversent l'œuvre sans jamais être explicitées, laissant libre cours à l’interprétation du spectateur. Les notions de sacrifice et de renouveau sont abordées, tandis que les événements de ce monde se font en échos évidents au Déluge biblique. Le fantastique intervient à de multiples reprises, assurant le spectateur que cet univers n’est pas le nôtre, notamment avec ces animaux marins et aériens (les seuls qui ne soient pas des espèces existant dans le monde réel) qui apportent leur aide aux bêtes terrestres, médusées…
Durant toute la séance (certes assez courte) j’étais émerveillé à la fois par l’efficacité de ce récit simple, les partis pris esthétiques et narratifs réussis, et la réelle émotion que nous véhicule le bestiaire à la dérive. Les nombreux enfants dans la salle étaient d’un calme olympien, le silence n’étant rompu que par de petites têtes qui pleuraient à chaudes larmes sur la fin. Flow est beau, émouvant, et parvient à mener sa barque sans jamais faillir. Un studio et un cinéaste à suivre, en commençant par rattraper leur film précédent : Away
Avec coup sur coup The Wild Robot et cette pépite, l’animation nous gâte en cette fin d’année.
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il y a 3 jours
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