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Flyboys, comme il nous le rappelle dès son générique d’introduction, est inspirée d’un fait réel, à savoir la constitution d’une escadrille de chasse française composée uniquement de volontaires américains, avant même l’entrée en guerre officielle des Etats-Unis. Comme ça c’est plus vendeur pour Hollywood que de raconter l’histoire d’une des innombrables escadrilles britanniques, ou pire encore, françaises, constituée durant le conflit. L’escadrille Lafayette représente tout de même une unité majeure, un symbole de l’amitié franco-américaine, de la sympathie naturelle des Etats-Unis alors encore neutre vis-à-vis du camp de l’Entente, ce qui légitimise amplement ce choix. Ainsi, si rapidement le film perd un peu de vue son aspect « fait réel/réalisme historique », accordons lui le mérite de ne pas négliger l’union de deux nations, l’engagement d’une poignée de volontaires plongés dans un pays dont ils ignorent tout, mais qui les hypnotise, dont ils goutent la beauté, qu’ils apprennent à aimer au point de donner leur vie pour le libérer.
Malheureusement, Flyboys, qui se concentre sur une demi-douzaine de destins, pêche sur sa composante psychologique, et bazarde en cinq minute la présentation des passés et motivations de chacun de ces jeunes volontaires à quitter leur pays en paix, pour s’empêtrer dans la fureur des combats de la Première Guerre Mondiale. Ainsi le héros se contente juste de constater que les dettes s’accumulent dans la gestion de son ranch, qu’il est sur le point de le perdre et de faire un séjour en prison pour avoir cogné l’huissier venu lui annoncer la nouvelle. Il lui suffira alors de regarder les actualités guerrières au cinéma pour constater l’existence de l’escadrille Lafayette, et franchir le pas, le spectateur le voyant débarquer quelques scènes plus tard en tenue de cow boy à l’aérodrome de l’escadrille… Trop rapide et succinct, surtout pour un film qui se permet de dépasser les deux heures.
Et encore s’agit-il du héros, et donc du personnage qui dispose du maximum d’exposition ! Ces futurs camarades sont encore moins bien lotis, entre le fils d’industriel qui est poussé par son père à saisir l’occasion de la guerre pour se distinguer, ou l’héritier d’une famille de soldats qui part la fleur au fusil avec l’idée de devenir un héros comme avant lui son père et son grande père… Seul le personnage du jeune noir américain, exilé des USA ségrégationnistes dès avant la guerre et mieux accueilli par la France Républicaine et égalitaire, donne de la profondeur à sa trajectoire et une raison à son engagement. A ce sujet, je me posait la question depuis pas mal de temps de la véracité historique de ce personnage, et effectivement, un pilote noir a bien combattu parmi les rangs du groupe Lafayette en 1917, et obtenu deux victoires aériennes avant d’être interdit de vol par l’armée américaine à l’entrée en guerre des Etats-Unis. La suite se trouve sur sa page wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Eugene_Jacques_Bullard
Le film ne s’attardant pas sur la présentation du contexte et de ses personnages, nous arrivons rapidement sur l’aérodrome de l’escadrille. C’est dommage pour la richesse du film, mais au moins il ne se perd pas en longueur et en développements ratés, se contentant de l’essentiel. On peut bien évoquer l’amourette du héros avec une française habitant une ferme voisine de l’aérodrome, mais cette intrigue secondaire a l’avantage de ne pas trop s’attarder, et de ne pas parasiter le film. Celui-ci manque donc d’ambition, mais parvient, en se concentrant sur les combats aériens et la vie (et mort) de ses pilotes, à éviter les erreurs.
Les recrues sont accueillies sur un aérodrome gazonné verdoyant assez mignon, plutôt bien reconstitué, agrémenté d’une belle variété d’avions de tout genre. Il n’est pas facile, presque un siècle plus tard, de réunir des avions issus de la première guerre mondiale, parqués au compte goute dans de prestigieux musées, mais Flyboys fait l’effort de réunir des Nieuport 17, montures des volontaires américains, avec des SE-5 Britanniques, assez communs mais opportuns, au moins un Bristol Fighter, un Sopwith biplace (Strutter ?) et un Bleriot un poil anachronique déjà à l’époque de faits.
Malheureusement, point de ces avions visibles en combat aérien, qui eux se focalisent sur les Nieuport de Lafayette, opposés à… des Fokker Triplan presque tous rouges (sauf celui de l’as, c’est le monde à l’envers !). Alors là, quand même, gros carton… rouge adressé au film, surtout que l’on voit très vite que les scènes aériennes sont issues des calculs d’ordinateurs (l’image est grossière, trop jeu vidéo et assez moche) et que tous ces avions virevoltant ne sont que des créations numériques. Maquiller des T6 et des Pilatus pour en faire des avions de guerre pouvait s’expliquer en 1970, mais maintenant que l’informatique gère les effets spéciaux, autant faire les choses proprement et à fond. En l’occurrence, se contenter de refiler aux Allemands des Fokker Dr I rouge écarlates, c’est du foutage de gueule, genre tous les Allemands étaient des Baron Rouge en puissance ! L’obsession simplificatrice de Hollywood explose dans ce choix artistique, comme le grand publique ne connait, et encore avec un peu de chance, que le Triplan de Manfred Von Richtoffen, on va lui donner du triplan rouge en veux-tu en voilà, et ce sera satisfaisant, au lieu de reproduire la complexité de ce contexte.
Le plus triste, c’est que les responsables des effets spéciaux étaient capables de modéliser d’autres avions plus représentatifs de la réalité historique de l’époque, puisqu’ils se sont embêtés à intégrer à l’image des bombardiers lourds, rarissimes à l’époque, tels que des Gotha Allemands et Handley Page Britannique ! Dans ce cas, pourquoi pas des SPAD, Albatros, Sopwith ou autres modèles, pour plus de richesse et de véracité ? C’est vraiment dommage là encore, le film, sans être une vaste blague et en faisant des efforts, démontre qu’il aurait pu être plus solide, plus fouillé, plus fort en s’astreignant quelques contraintes supplémentaires. Et quand on sait que les films portant sur la guerre aérienne en 14-18 sont très peu fréquent à notre époque, on ne peut que se désoler qu’un des rares spécimens produits ces dernières années joue la facilité.
Au niveau du casting, rien d’extraordinaire. Ce n’est pas la catastrophe non plus hein, James Franco a la gueule de l’emplois en bon gars Texan qui se retrouve à chevaucher un biplan au-dessus de la Champagne, mais les autres acteurs ne sont pas assez connus ou notables pour se démarquer. Le choix de faire jouer à Jean Reno un rôle d’officier français semblait à première vue très pertinent, d’ailleurs physiquement, il y a un quelque chose, un côté De Gaulle pas désagréable. Malheureusement, Reno fait le service minimum dans ce film. Désintéressé ou mal dirigé ? En tout cas, il joue à côté de ses pompes, n’inspire aucune autorité, aucune crainte (quand même, Jean Reno !) et au contraire joue l’officier protecteur un peu gâteux, une composition qui lorgne presque plus sur la petite comédie que sur le film de guerre. Ça manque de classe, de souffle, c’est raté.
Par ailleurs, il s’agit surement d’un film à voir en anglais, car la V.O doit confronter l’anglais des volontaires, et le français des officiers et de la population. La VF essaie ainsi de faire vivre une relation de dialogue difficile, d’incompréhension et d’apprentissage de la langue entre le héros et la jeune fermière, mais en VF intégrale, l’effet tombe misérablement à l’eau. Comme les doublages ne sont pas extraordinaires non plus, Flyboys doit gagner un peu de consistance, de prestance et de souffle en V.O.
Un personnage qui n’est pas raté, ou du moins qui émerge de la masse, celui du vétéran américain Cassidy, seul survivant des premiers engagements de l’escadrille à l’arrivée de nos recrues, pilote endurcis, plus mur et ténébreux que ces nouveaux partenaires et qui s’amuse à bien les dégouter de leur engagement volontaire, ne poursuivant sa propre guerre qu’avec l’ambition de se payer un as allemand aux tendances charognardes. Avec ses 20 victoires, sa moto, ses bouteilles de champagne et son lion de compagnie, ce personnage froid, désenchanté, tranche face à la ribambelle des jeunes idéalistes qui rejoignent Lafayette et sont vouées à une espérance de vie statistique de 3 semaines de combats.
D’ailleurs, après une séquence d’entrainement des nouvelles recrues assez classique, les américains partent pour leur première mission de guerre. Flyboys livre une honnête composition sur le traitement du combat aérien. Certes ces scènes ne sont pas dénuées d’abus, entre chandelles assez interminables, explosions des avions ou collisions, mais l’action est présente, relativement crédible, et ces pilotes américains n’y sont pas présenté comme des surhommes. Le retour de la première mission, un fiasco ayant entrainé la mort de deux recrues, est probablement le moment ou le film parvient à effleurer un quelque chose d’émotion. Les volontaires américains, sans expérience du combat, découvrent que l’esprit de chevalerie n’existe plus, sont abasourdis par la violence de l’engagement, par le manque de scrupule des allemands, et essayent de témoigner de leur état de choc devant leurs officiers français, qui en ont déjà vu des vertes et des pas mures depuis trois ans et ne partagent plus la même vision du monde naïve.
Si par la suite les américains vont se reprendre, commencer à mieux se comporter au combat, à rendre les coups aux allemands et à gagner le respect des britanniques basés sur le même aérodrome (traitement extrêmement classique là aussi), la demi-douzaine de missions relatées à l’écran va progressivement élaguer les rangs des recrues, choquer ou endurcir les survivants.
Puis arrive la dernière mission, l’interception du Zeppelin, bouquet final d’action se terminant en gerbe de feu, et assurant une transmission de témoin, propulsant le héros vers de nouvelles responsabilité, une nouvelle assurance, et une nouvelle obsession héritée de son modèle. Le combat final n’est pas si mal, initié à coup de provocation au-dessus de l’aérodrome ennemi, puis le tête à tête se transforme finalement en bataille rangée. Enfin, le règlement de compte entre le héros et le grand méchant (il a un avion peint en noir, ça veut tout dire !) abandonne les codes du combat aérien pour lorgner sur un final assez surprenant rappelant les origines cow boy du personnage. Et en fait, je m’attendais tellement à voir le gentil triompher à la force de son manche que j’ai plutôt été agréablement surpris de le voir dégainer son colt comme au fin fond du Texas pour parvenir à ses fin.
Au final, l’Escadrille Lafayette aurait surement mérité mieux que cet hommage, mais de la part d’Hollywood, d’une production très « secondaire » et 90 ans après, la copie aurait pu, voir aurait dû être bien pire que cela. Je m’attendais à un carnage à la vue de la bande annonce, j’ai découvert un film honnête, alors rendons à César ce qui appartient à César.
5/10
Les plus :
_Le personnage de Cassidy émerge de la distribution
_Du peps dans les combats aériens
_Un planeset relativement respectable… au sol en tout cas
_Quelques moments arrivent à toucher une certaine profondeur
_La bande annonce laissait craindre bien pire.
Les moins :
_Les personnages peu mis en valeur
_Les Allemands volent tous en Fokker Triplan rouge ???
_Une paire de scènes malgré tout abusées
_Jean Reno aurait pu faire mieux
_Développement trop classique et prévisible
_Manque de souffle