Le cinéma de Carpenter a toujours travaillé la figuration du mal. Comment représenter le mal à l'écran ? Dans Halloween, le mal s'incarne dans un corps, celui du serial killer. Pourtant, la mise en scène, en le figurant le plus souvent à l'arrière plan, et le masque sur son visage, le présente déjà comme une entité dématérialisé. Ce qui intéresse Carpenter, n'est pas le mal en tant qu'incarnation physique mais plutôt comme substance évanescente. Avec Fog, il prolonge ce qui était déjà esquissé dans son précédent film. Fog gagne aussi en complexité par rapport à Halloween dans la construction de ces personnages. Ce qui semble unir ces protagonistes est l'environnement dans lequel il se trouve. La mise en scène a l'intelligence de créer des traits d'unions entre ces différentes personnes. La voix de la radio que l'on entend tout le long du film encercle les personnages dans un environnement sonore commun. Autre figure d'encerclement, le brouillard n'est pas traité comme dans la plupart des films d'horreur comme un élément du décor, ici, il est une puissance dotée d'une conscience. La mise en scène, justement, traite cet élément météorologique, comme un personnage à part entière.
Le cinéma de Carpenter travaille le conflit dans sa mise en scène. Déjà, dans Halloween, les deux entités de l'image (premier plan et arrière plan) entrent en tension, lorsqu'une partie contamine l'autre. Ici, tout se joue à une autre échelle. De l'horizon, le brouillard vient contaminer l'environnement faussement bucolique de Antonio Bay. Par ce biais, Carpenter arrive à suggérer la menace à l'écran. Celle-ci devient encore plus effrayante, car elle fonctionne en crescendo, accentué par une musique dès plus angoissantes.
Critiqué à l'époque, car peut être moins directement effrayant que Halloween, Fog est pourtant sans aucun doute un très grand film. S'inscrivant dans le sillage des Oiseaux d'Hitchcock, il fait partie de ses films qui sont des rêves dans lesquels le spectateur aimerait bien demeurer. La voiture Christine, quelques années plus tard, sera une autre grande figure de ce mal réduit seulement au processus mécanique de la mise en scène.