Le cinéma de Carpenter a toujours travaillé la figuration du mal. Comment représenter le mal à l'écran ? Dans Halloween, le mal s'incarne dans un corps, celui du serial killer. Pourtant, la mise en scène, en le figurant le plus souvent à l'arrière plan, et le masque sur son visage, le présente déjà comme une entité dématérialisé. Ce qui intéresse Carpenter, n'est pas le mal en tant qu'incarnation physique mais plutôt comme substance évanescente. Avec Fog, il prolonge ce qui était déjà esquissé dans son précédent film. Fog gagne aussi en complexité par rapport à Halloween dans la construction de ces personnages. Ce qui semble unir ces protagonistes est l'environnement dans lequel il se trouve. La mise en scène a l'intelligence de créer des traits d'unions entre ces différentes personnes. La voix de la radio que l'on entend tout le long du film encercle les personnages dans un environnement sonore commun. Autre figure d'encerclement, le brouillard n'est pas traité comme dans la plupart des films d'horreur comme un élément du décor, ici, il est une puissance dotée d'une conscience. La mise en scène, justement, traite cet élément météorologique, comme un personnage à part entière.
Le cinéma de Carpenter travaille le conflit dans sa mise en scène. Déjà, dans Halloween, les deux entités de l'image (premier plan et arrière plan) entrent en tension, lorsqu'une partie contamine l'autre. Ici, tout se joue à une autre échelle. De l'horizon, le brouillard vient contaminer l'environnement faussement bucolique de Antonio Bay. Par ce biais, Carpenter arrive à suggérer la menace à l'écran. Celle-ci devient encore plus effrayante, car elle fonctionne en crescendo, accentué par une musique dès plus angoissantes.


Critiqué à l'époque, car peut être moins directement effrayant que Halloween, Fog est pourtant sans aucun doute un très grand film. S'inscrivant dans le sillage des Oiseaux d'Hitchcock, il fait partie de ses films qui sont des rêves dans lesquels le spectateur aimerait bien demeurer. La voiture Christine, quelques années plus tard, sera une autre grande figure de ce mal réduit seulement au processus mécanique de la mise en scène.

Zedicop
9
Écrit par

Créée

le 13 juil. 2016

Critique lue 943 fois

12 j'aime

2 commentaires

Zedicop

Écrit par

Critique lue 943 fois

12
2

D'autres avis sur Fog

Fog
B_Jérémy
8

Une histoire de fantôme

23h55. Presque minuit. Juste le temps d'une dernière histoire... Après Halloween : La Nuit des masques, John Carpenter confirme son talent avec FOG Après l'immense succès de « Halloween : La Nuit...

le 10 nov. 2018

44 j'aime

33

Fog
guyness
6

Après dissipation des brumes virginales

Un de mes premiers traumatismes de jeunesse. Fog a longtemps tenu la corde du film qui m'avait le plus flippé… sans l'avoir vu. Une frayeur indescriptible par procuration. Imaginez la (relative...

le 17 déc. 2020

42 j'aime

19

Fog
Torpenn
4

Naufrage, ô désespoir

Allez savoir pourquoi, j'étais plutôt optimiste avant ce film. Je garde un fond de sympathie pour Carpenter, même s'il a réalisé bien plus de grosses bousasses que de films regardables, mais bon,...

le 16 déc. 2011

34 j'aime

41

Du même critique

Fog
Zedicop
9

Brouillard rouge

Le cinéma de Carpenter a toujours travaillé la figuration du mal. Comment représenter le mal à l'écran ? Dans Halloween, le mal s'incarne dans un corps, celui du serial killer. Pourtant, la mise en...

le 13 juil. 2016

12 j'aime

2

Tout ce que le ciel permet
Zedicop
10

La peur qui dévore l'âme

Les films de Sirk se déploient de la même façon que le théâtre de Racine: condensation de la forme et dilemme moral d'un personnage toujours en prise aux pressions de la société. La beauté du cinéma...

le 6 mai 2017

10 j'aime

1

Capharnaüm
Zedicop
2

Comment piéger politiquement un spectateur de cinéma.

Plus qu’une usine à rêves, le cinéma est avant tout une usine à idéologies. Ou du moins, le rêve est ce vernis surajouté à l’idéologie qui commande le film. La sortie d’un film comme Capharnaüm...

le 3 nov. 2018

6 j'aime

2