Il s’agit donc de visiter la ville de Foix, préfecture de l’Ariège, qui serait, selon les termes de Luc Moullet, la ville la plus ringarde de France. Il entreprend de le démontrer en détournant les codes du film touristique : La voix off (pas la sienne, ça m’a beaucoup gêné même s’il faut lui reconnaître une neutralité réjouissante) sera triomphale mais les images la trahiront. Il y a deux vues aériennes, la première dévoile le château sur quoi repose l’essentiel du tourisme de Foix, la seconde montre que la maison de la culture (Un bâtiment immonde mais la voix off cite gaiement le nom de son inspiré architecte) est coincée entre la prison et le cimetière. Et tout semble ainsi à Foix – enfin selon les dires, joyeusement exagérés, de Moullet. Tout fonctionne n’importe comment, à l’image de ces bus scolaires qui créent un embouteillage digne d’un carrefour parisien, alors que la ville n’a pas dix mille habitants ; à l’image des lycéens qui doivent passer dans l’enceinte de l’hôpital pour rejoindre leur établissement scolaire. Tout se joue sur un mode satirique puisque les plans font défiler les images de la ville que la voix off commente trop joyeusement. Si Foix est effectivement un peu vieillotte il faut surtout dire que tout est guidé par la mauvaise foi et l’emphase, chères à Moullet. Ainsi se moquera-t-on d’une entrée d’immeuble impossible – qu’on me cite une ville où ça n’existe pas – voire d’un plan d’eau curieux ou d’un banc abimé. Le film se moque aussi de « l’harmonie affichée » entre l’ancien et le moderne, cadrant ici une enseigne Kodak devant le donjon du château, là un magasin Yves Rocher sous une façade décrépite. Mais finalement, ringarde ou pas, ça donne un peu envie de visiter Foix. C’est ce qui compte. En plus d’être, comme chacun des courts réalisés par Moullet, un beau document sur une époque : Si Moullet dit que Foix n’a pas changé entre le moment où il l’a visité en 1973 et celui où il l’a filmé en 1994, d’une c’est probablement exagéré, de deux elle est peut-être complètement différente aujourd’hui. A l’instar des hypermarchés de Toujours plus, c’est le Foix de 1994 qu’on immortalise ici.