La diction grave de Cantona, l'inévitable grain de sel de Jamel Debbouze. Manque plus que Mouloud Achour pour réunir la mifa. Ce documentaire vaut surtout pour le récit de la vie des premiers joueurs fils d'immigrés des années 50. Des témoignages de fils de polonais, d'italiens qui prêtent parfois à rire et qui montrent bien les conditions d'assimilation des futurs joueurs. Malgré la volonté du reportage de dresser des ponts entre les immigrés d'hier et d'aujourd'hui, on devine en creux leurs différences fondamentales. On nous montre les chaines de solidarité dans les quartiers pauvres, tout comme la manière dont le sport prend en charge tant que faire se peut l'éducation dans ces quartiers.
C'est un film qui procède du rêve de Cantona et qui a le vent en poupe en ce moment (SoFoot), de mêler foot et sociologie, d'expliquer l'un par l'autre.
Il y a des moments exceptionnels : un historien qui vient dire droit dans les yeux que c'est tout à fait normal d'avoir des drapeaux algériens le soir du 12 juillet 98. Un supporter hystérique parle de "seconde libération de la France", Tigana raconte avec émotion comment il a été pris en charge lors de ses jeunes années marseillaises par ses éducateurs sportifs.
Le documentaire balaie les questions de l'identité dans le foot : quelle fidélité au pays d'origine, chanter ou non la marseillaise, prendre la nationalité du pays d'origine (Platini), être Français dans la victoire, étranger dans la défaite, etc. Instructif, parfois émouvant, il épouse vraiment la démarche de Cantona : émotive, rhapsodique, peut-être un peu démago, qui laisse la place aux petites histoires et ne cherche pas d'explications. Mais pour qui s'intéresse à l'un ou l'autre sujet, il vaut le visonnage.
PS : Bon j'avoue j'ai publié la critique avant de terminer le doc. Il y a à la fin une belle explication du sentiment de la double nationalité par le peu disert Zidane, qui a d'autant plus de portée que celui-ci est une icône moderne. On termine par une intervention pertinente de Michéa sur le foot en tant que dernier lieu ou se vit l'égalité des chances.