Film en état de choc, For those in peril explore différentes grammaires cinématographiques pour suivre le retour d'Aaron parmi les vivants. Seul rescapé d'un naufrage dans lequel son frère et les autres marins ont disparu, rongé par le deuil et la culpabilité, par la folie qui le guette [ou qui était déjà là], le jeune homme n'est plus accepté que par sa mère et la petite amie de son frère absent.
À mi-chemin entre le drame social et la plongée fantastique, maniaquement travaillé dans la forme, le premier long métrage de Paul Wright demande au spectateur une adhésion immédiate pour fonctionner. Alors que certains pensent curieusement à Malick [ah oui, la Nature !], c'est bien plutôt du côté des cinémas absolus d'Andrea Arnold ou de Gus Van Sant qu'il faut aller chercher pour trouver des parentés. De fait, For those in peril sonne clairement comme le cousin écossais de l'immense Paranoid Park, tant dans sa peinture d'un état mental sonné, que dans son exploration formelle et narrative. Si le cousin n'est évidemment pas au niveau, il ne démérite pas vraiment.
Sans doute Paul Wright a-t-il voulu trop en faire. La première partie du film casse le récit tout en mêlant les formats, confronte présent et passé sous forme de collages, utilise magnifiquement la voix off, nous perd et nous reprend, sac et ressac permanent qui risque d'en noyer beaucoup. L'émotion ne nous gagne pas, trop cognés que nous sommes aux parois saillantes du bateau-film malmené par les vagues. Quelques séquences superbes, cependant, comme rejetées hors des flots, émergent ici et là, créant des poches de silence, de paix, de calme éphémère. Les scènes entre Aaron et sa mère sont souvent très belles, mais c'est le lien complexe qui lie le jeune homme et Jane, la petite amie de son frère, qui fait naître les moments les plus beaux [on retiendra notamment la superbe scène de la piscine].
On saluera ici le talent indiscutable de George Mackay, souriant peu mais superbement, puissant et déterminé dans sa détresse, magnifiquement épaulé par Kate Dickie, la trop rare héroïne du Red road d'Andrea Arnold.
Alors que le film avance et se frotte de plus en plus au fantastique, calmant en parallèle ses ardeurs formelles, il se met à tourner en rond, comme enfermé dans ses cadres multiples, presque noyé, manquant de souffle. Si la dernière scène nous cueille mais ne nous sidère pas, on regrette finalement que le film ne nous emporte pas. Ce qui différencie ici Paul Wright de Gus Van Sant, c'est le lyrisme. Alors que le britannique ne maîtrise pas assez son outil pour s'abandonner, le cinéaste américain sait depuis longtemps faire parler sa nature romantique. Et c'est lui qui nous emporte.