La première partie est une chorégraphie muette, un ballet de croisements et de trajectoires, d'attentes, de placements. C'est brillant, habilement construit, presque abstrait. Puis les personnages se mettent à parler et la descente commence.
On comprend rapidement de quoi il s'agit, comment tous ces jeunes gens qui semblent ne pas se connaître ont été recrutés, comment tout cela s'est organisé. Mais on ne comprend pas pourquoi. Jamais. Bonello fait ce choix et c'est sa liberté. Pourtant, le faisant, il prend un grand risque, celui de ne jamais pouvoir nourrir ses personnages. Et c'est ce qui arrive. Aucun n'existe. Tous sont vides, mêmes pas archétypaux, vides. Si c'est aussi le choix du cinéaste, alors on ne le suit pas.
En gros, les gars des banlieues sont inconséquents, ceux qui font ou préparent Science-Po réfléchissent et les filles sont des godiches. Voilà pour le portrait des protagonistes. Et c'est à peu près tout. Pourquoi pas, finalement, mais que Bonello leur donne de la matière, de la chair, quelque-chose qui fasse qu'on s'intéresse à eux. S'ils sont nihilistes, qu'ils le soient à fond, si l'acte est grandement politique, qu'on le comprenne.
C'est finalement l'histoire de gamins qui font une grosse bêtise et finissent par avoir peur d'être grondés. Ça pourrait marcher s'ils étaient deux ou trois, à dix ou davantage, ce n'est pas possible. Alors c'est quoi ? Qu'est-ce que Bonello nous raconte ?
La dernière partie est épouvantable de vacuité. Les dialogues sont dignes du pire film de suspense américain ("Tu te rends compte de ce que tu as fait ?" "On va tous mourir"...), les situations impossibles, incohérentes, idiotes. Et si la portée du film est politique, s'il fallait trouver un sens à tout ça, ce serait insulter l'histoire du militantisme d'extrême-gauche. Les mouvements rouges des années 70 avaient au moins une doctrine. "C'est Facebook qu'on aurait dû faire sauter"... "Ou le Medef"...
La mise en scène de Bonello est comme toujours magnifique. Rien à dire là-dessus, comme sur la bande son, malgré une utilisation cavalière de John Barry. Les acteurs ne sont pas très bons. Bonello n'a pas pu s'empêcher de filmer deux fessiers masculins. On ne s'en plaindra pas.
Certains iront comparer le film aux Elephant d'Alan Clarke et de Gus Van Sant. Ce serait une plaisanterie. Nocturama fait davantage penser à The bling ring. Mais le film de Sofia Coppola est bien meilleur.