Actuellement, je suis dans ma phase "Yurei Eiga", à savoir les films de fantômes nippons, et par extension les films d'horreur asiatiques. J'ai découvert ces univers il y a environs 10 ans avec le fabuleux "Ring" d'Hideo Nakata qui m'a passablement traumatisé (il faut dire que le regarder collé a son écran avec le son dans le casque réglé à fond n'a pas arrangé la chose), avant de poursuivre avec la série des "Ju-On :The Grudge" qui, s'il elle ne m'a pas autant marqué que Ring, a su toutefois violemment affoler mon trouillomètre.
En conséquence, pendant longtemps, je n'ai plus osé regarder ce genre de films, tenant a la qualité de mes nuits... avant de m'y remettre il y a quelques mois et d'en devenir consommateur friand. J'ai ainsi pu découvrir de jolies perles, comme "Exte" du décidément très doué Sion Sono, le très bon found footage Noroi, où le fascinant "Kairo" de Kiyoshi Kurosawa... mais aussi quantité de films assez moyens.
Venons-en à Forbidden Siren, tiré, si je ne me trompe, du deuxième opus d'une série de jeux vidéos connue pour son caractère angoissant. Je n'ai jamais joué à cette franchise, toutefois, connaissant sa réputation, ce film m'a intrigué. Si les adaptations de jeux vidéos horrifiques nippons par des réalisateurs occidentaux ont été, dans leur grande majorité, d'immenses ratages, qu'en était-ils des œuvres 100% made in Japan ?
La scène d'exposition de Forbidden Siren est plutôt efficace. On y apprend qu'en 1976, les habitants de l'île de Yamijima ont mystérieusement disparu, laissant sur place un unique survivant profondément traumatisé. Sous une pluie battante, des enquêteurs dépêchés sur place finissent par débusquer celui-ci. Dans son agitation, il avertit : lorsque la sirène de l'île retentit, il ne faut en aucun cas sortir dehors!
26 ans plus tard. Un bateau se dirige vers Yamijima. A son bord, une jeune femme, Yuki, son père, Shinichi, ainsi que son petit frère, Hideo, apparemment souffrant, pour qui le séjour sur l'île sera, sa soeur l'espère, très bénéfique. Ils sont attendus sur place par le docteur Minamida. Une fois pied a terre, un camion s'arrête, et le dit docteur est prêt a leur souhaiter la bienvenue...
"Mais bordel, ce mec, c'est pas Tanaka du duo Cocorico, celui qui fait les Batsu Game ?" Et bien si. Élément improbable du casting, le comique Tanaka Naoki (que j’idolâtre) campe en effet (plutôt correctement) le rôle du médecin.
La surprise étant passée, on se rend compte que l'accueil réservé a la famille Amamoto par la communauté insulaire est terriblement glacial. Une voisine les avertit d'emblée : "ne sortez pas la nuit". On apprend très vite que la sirène de l’ile est directement liée à cette étrange superstition. Quel mystère abrite donc l'île de Yamijma ?
L'un des (rares) points forts du film de Yukihiko Tsutsumi (réalisateur entre autres du très bon 2LDK) est son cadre, une étrange île a la végétation luxuriante et aux nombreuses vieilles battisses qui instaurent rapidement une ambiance non dénuée de cachet.
L'environnement est donc solidement planté, les éléments pour un bon film d'épouvante sont posés. Malheureusement, Forbidden Siren peine à remplir son contrat, plombé par bon nombre de défauts. A commencer par l'interprétation des acteurs, relativement moyenne, l'actrice campant l'héroïne ayant notamment tendance a surjouer. La réalisation ne brille pas non plus, avec son lot de jeux de caméras pas toujours de meilleur goût.
Mais c'est dans sa trame que le film pèche le plus lourdement. Souvent ennuyeux et agaçant (à l'image de ces désespérants passages où l'héroïne est forcée de partir a la recherche de son petit frère complètement amorphe, souvent animé par la bonne idée de fuir le domicile), jamais effrayant, Forbidden Siren perd son intérêt au fil des minutes. De très nombreux indices sont dispersés ci et là, indices censés mener à la résolution du mystère de l'île. Pourquoi les habitants ont-ils tous disparus il y a 26 ans ? Pourquoi cet accueil glacial ? Que se passe t'il véritablement la nuit ? Quel est le rôle de cette fameuse sirène ?
Yuki, devra, malgré elle, enquêter sur ces mystères. Dans sa quête de vérité, elle sera confrontée à quantité d'éléments troublants. Problèmes, ces éléments (souvent plus ou moins clichés) ont tendance ici à s'accumuler en un joyeux bordel, le spectateur peinant au final à comprendre ce qui se trame. Sont ainsi entremêlés pèle-mêle des statues inquiétantes, une étrange fille en rouge, un homme ravagé par la folie, une histoire de sirène (avec une queue de poisson cette fois), l'inscription "dog live" (evil god, si on la prend a l'envers, ce qui n'avance pas beaucoup), un carnet mystérieux, une chanson à la provenance inconnue, l'histoire du Mary Celeste (le légendaire bateau américain retrouvé au large en 1872 vide de tous ses occupants) ainsi que des shibitos agressifs (des espèces de zombis pas très bien fichus).
Le lien entre tous ces éléments est très loin d'être clairement établi, ne faisant que nourrir le sentiment d'agacement.. Au lieu d'attiser l’intérêt, la multiplication des faits étranges et des indices sans queue ni tête ne font que perdre et frustrer un spectateur de moins en moins concerné par le scénario. L'addition massive d’éléments "bankable" dans un film d'horreur ne suffit pas à rendre une histoire intéressante. Si le twist final relève un peu le niveau (même si c'est du déjà vu, et en mieux), il ne fait, en définitive, qu'ajouter à la confusion.
Si on a rajoute à l'ensemble des effets spéciaux souvent franchement ratés (mention spéciale aux scènes où des personnages tombent dans le vide), on obtient un film très moyen, malgré un postulat de base intéressant. J'ignore si Forbidden Siren retranscrit avec succès l'univers de la série de jeux vidéos, mais je le recommanderai, en définitive, qu'aux fans d'épouvante asiatique. Il existe tellement mieux en la matière.