L’épisode final du combat avec les indiens est mémorable, une demi heure de grand plaisir westernien

Fort Bravo est une série B remarquable. Le thème combine : une rivalité nordistes - sudistes (ceux ci sont prisonniers des yankees dans un fort et font des tentatives d’évasion) ; les guerres indiennes (ici des escarmouches avec des apaches mescaleros) ; et une romance. Cela n’a pas le style ni le niveau épique du Major Dundee, de Peckinpah, en 1965, qui réunira aussi ces trois thématiques ensemble, mais tout est mis en scène avec rapidité et sécheresse, et non sans subtilité dans le traitement de situations conventionnelles. 

Est-ce que le budget était maigre ? Dans les copies tardives que j’ai vu, la couleur est moyenne, trop pâle - peut-être est-ce dû au procédé Anscolor, une technique de traitement en labo du technicolor qui était plus rapide que Kodak et qui pâlit avec le temps. La musique de Jeff Alexander, on l'apprécie surtout quand elle s’arrête. 

Pour les acteurs, la crédibilité des prisonniers sudistes est victime d'une erreur de casting : John Forsythe en chef des confédérés n'est pas à sa place (lui vont bien mieux les profs d’université, les ecrivains, les journalistes, les hommes d'affaires ou les espions). Mais on a plaisir à revoir William Campbell dans son rôle habituel de jeune belliqueux inquiétant. William Holden est en revanche très bon en capitaine nordiste rugueux et cultivant des roses, qui tombe amoureux de la belle infiltrée sudiste Eleanor Parker. 

Leur romance est magnifique, traversée par la jalousie, l’abandon, le risque de l’impossible et de la tragédie (tout cela en regards, gestes, mouvements, répliques, échangés avec sobriété et cependant émouvants et sexys). Et elle finit bien.

L’épisode final du combat avec les indiens est mémorable, une demi heure de grand plaisir westernien  : une tactique militaire est remarquablement exposée et visuellement superbe grâce à des trouvailles de mise en scène. 

Le petit groupe composé de soldats, de prisonniers et de la jeune femme se cachent dans un creux semi-circulaire entouré de petites collines. Les paysages de la Death Valley californienne, dans le desert de Mojave, sont très beaux (le site doit être Zabriskie Point), bien filmés et bien utilisés. Le petit groupe est en précarité car très isolé mais il a un avantage car c’est presque inexpugnable. Jusqu’à ce que les indiens réussissent peu à peu et au prix de pertes importantes à lancer de près et à planter, une par une, des lances tout autour du site où les assiégés se protègent. Alors, grâce à cette délimitation artisanale de la cible pleuvent sur les infortunés des pluies de flèches ou de balles tirés de deux côtés opposés. 

C’est l’équivalent chez les indiens, avec des arcs, des flèches et quelques fusils, d’une embuscade dans les guerres modernes où des tirs d’artillerie sont corrigés progressivement par des OA (Observateurs Avancés), puis sont combinés avec un feu croisé de l’infanterie de proximité. C’est une séquence classique des films de guerre mais généralement exposée dans une confusion totale, très peu cinématographique, à la différence de ce moment-ci. Bravo donc à Fort Bravo !

C’est le premier vrai western de Sturges. Il arrive après une suite de films depuis 1946, surtout des films noirs (réussis), et des mélodrames (dont je n’ai vu aucun). Parmi eux, un demi western "The Walking Hills », "Les aventuriers du désert », de 1949, insolite mais moyen, en noir et blanc, avec Randolph Scott. Escape from Fort Bravo, 1953, est réalisé juste avant une série de western excellents, devenus des classiques : Bad Day at Black Rock (Un Homme est passé), 1955, western moderne et un chef d’oeuvre ; Backlash (Coup de Fouet en retour), moyen ; Gunfight at OK Corral (Reglements de comptes à OK Corral), le classique des classiques ; The Law and Jake Wade (Le Trésor du Pendu), bon ; le mémorable The  Last Train for Gun Hill (Le Dernier Train de Gun Hill) ; le très connu The Magnificients Seven (les 7 Mercenaires), qui est une reprise des 7 Samouraïs de Kurosawa et qui a eu un tel succès qu'il aura de nombreuses « sequels » dans les années 60 et un remake en 2016 ; puis Sergeants 3 (les 3 sergents), moyen ; The Hallelujah Trail (Sur la Piste de la grande caravane) trop lent et soi disant comique ; et enfin l'excellent Hour Of the Gun ( 7 Secondes en Enfer) une suite réussie et très moderne de OK Corral.

Michael_Faure
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