À l’origine Fortress devait être un blockbuster budgété à hauteur de 70 millions mais suite à la défection d’Arnold Schwarzenegger qui préférera finalement tourner dans Last Action Hero de John McTiernan, la somme a été rabaissé à une dizaine à peine. Cela peut surprendre, mais Stuart Gordon était bien le choix numéro un de son principal interprète après qu’il lui fût recommandé par sa doublure Peter Kent qui avait tenu le rôle d’un Zombie dans Re-Animator. Finalement le cinéaste se retrouvera plus ou moins dans la même situation qu’à l’époque du studio Empire, à devoir livrer un gros film de science-fiction avec des moyens dérisoires comparés aux ambitions du projet d’origine. Qu’à cela ne tienne, le système D ça le connaît. Le plan B est alors enclenché, et c’est Christophe Lambert qui reprendra la place du taulard laissé vacante. Après avoir été remarqué avec Subway de Luc Besson pour lequel il remportera le césar du meilleur acteur avant d’obtenir une renommée à l’international avec Highlander de Russel Mulcahy, l’acteur français allait commencer à amorcer sa descente vers le monde du DTV pour des artisans tel qu’Albert Pyun ou Deran Sarafian. Fortress ne constitue néanmoins pas encore son chant du cygne, loin s’en faut, et s’il a sût conserver son capital sympathie auprès du grand public, son interprétation est tout de même loin d’être sa plus mémorable, d’ailleurs il ne sera jamais aussi bon que lorsqu’il végétera l’écume aux lèvres dans sa cellule de prison.
Dans un futur dystopique, la Terre est devenu surpeuplé si bien que le gouvernement en vient à réguler le taux de natalité afin d’éviter de creuser encore d’avantage le déficit social. Mais il en faut plus que cela pour décourager les grosses feignasses et les cas sociaux qui ne veulent pas travailler et bénéficier des allocations familiales. John Brennick et sa femme vont se faire pincer lors d’un contrôle au poste frontière et condamné plus ou moins à la perpétuité pour avoir daigner bafouer les règles en voulant avoir un deuxième enfant suite à la mort de leur premier née. Et comme le gouvernement ne sait plus quoi faire de tous ses indésirables, ils les envoient croupir dans une prison de haute sécurité dont il est impossible de s’évader. Evidemment l’établissement est très mal fréquenté, les hommes doivent casser des cailloux toute la journée en supportant les sempiternelles leçons de morale de l’ordinateur centrale qui leur rabâche à longueur de temps que « le crime ne paie pas » (Non mais sans déconnez, vous croyez qu’on ne le sait pas?), avant de devoir se reposer dans des dortoirs à l’inconvenante promiscuité. Le directeur ne leur laisse jamais aucun répit, pas même dans les bras de Morphée, puisque les fantasmes y sont prohibés. Pas d’attouchement sexuel non plus donc, c’est l’amour viril, le vrai et il n’y a pas de place pour l’homosexualité, même refoulé. Seule la violence permet de nouer des rapports et d’occuper ses journées. Mais John Brennick ne saurait s’y résigner, c’est pourquoi il va tenter de s’échapper avec d’autres codétenus afin de confronter l’horrible directeur des lieux qui cherche à séduire sa femme.
Finalement le cinéaste ne s’en est pas trop mal tiré avec cette commande, parvenant à pallier le manque d’environnement en variant les différents axes de prises de vue. La forteresse souterraine culmine ainsi à des hauteurs qui paraissent tout bonnement vertigineuse. Nul doute que Vincenzo Natali s’inspirera de la topographie changeante du lieu afin d’ériger sa propre prison labyrinthique dans Cube. Fortress charrie également son lot de séquences exaltante telle qu’un violent crêpage de chignon entre prisonniers, des tortures infligés par le biais de puce implanté dans les intestins qui menace de sauter à tout moment, ou des corps réduit en charpie sous l’effet des sulfateuses ennemies. Pour autant, le scénario reste classique dans le fond puisqu’il reprend les fondamentaux des films carcéraux où les prisonniers s’uniront ensemble pour lutter contre l’institution despotique et psychorigide qui ne cesse de bafouer la condition de l’homme et d’entraver les libertés individuelles. Fortress a en tout cas le mérite de pointer les dérives du totalitarisme d'état (difficile de ne pas penser à la Chine avec sa politique de l’enfant unique) mais également de composer un univers carcéral crédible (le cinéaste avait visité plusieurs pénitencier de haute sécurité) où la surveillance est exclusivement assuré par des caméras de sécurité mobile. Si Schwarzenegger avait initialement choisi Stuart Gordon, c’est aussi parce qu’il devait vaguement lui rappeler Paul Verhoeven avec lequel il venait de collaborer dans le cadre de Total Recall. Alors certes, Gordon n’a peut-être pas son talent ni les mêmes velléités politique, d’autant qu’il n’en a jamais eu la prétention, mais on peut tout à fait corréler le style des deux réalisateurs si on prend le temps d’analyser leurs travaux respectifs, notamment Robot Jox qui s’apparente à une vision dystopique pas si éloigné que celle dépeinte dans son Starship Troopers, puisqu’il manie lui aussi l’humour transgressif et ces excès gore décalé qui lui sont personnellement hérités du théâtre grand guignol. On retrouve également une dimension sexuelle importante dans ses œuvres parfois amené par le biais de métaphore plus ou moins subtile comme ces nombreuses formes phalliques (la seringue d’Herbert West dans Re-Animator qui permet de donner la vie, la glande pinéale de From Beyond, la robo-bite de Macanudo dans Space Truckers) un peu comme le faisait le hollandais violent dans ses films de science-fiction. Venez dire après cela que c’est moi l’obsédé.
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