Fortuna jeune éthiopienne vit dans les montagnes suisses dans un monastère accueillant des réfugiés, ... avec un tel résumé, le long-métrage pourrait être un énième film social traitant des problématiques liées aux sorts des réfugiés ou migrants mais en fait pas du tout (enfin presque) ! L'auteur transcende complètement son sujet pour en faire "autre chose". Ce qui frappe c'est la manière de ne pas raconter un parcours "idéal", de ne pas entrer dans les poncifs habituels de ce genre de récit qui ont fleuri ces dernières années mais bien de narrer quelques mois de cette gamine de façon très privée. Elle a été abusée par un adulte, migrant lui aussi et se retrouve enceinte dans sa solitude et son amour pour le salaud qui l'a manipulé ne voulant pas parler de son état pour lui éviter des soucis. Il y a de la nuance dans les questionnements multiples développés dans ce récit, l'accueil des réfugiés, l'avortement, le sentiment de solitude, l'abus sexuel sur mineur. C'est filmé de manière splendide en noir et blanc, avec un cadre et dans un style bressonien, mettant les paysages montagnards et hivernaux en évidence, les intérieurs sont à la fois feutrés et immaculés; l'ensemble est plus lyrique, poétique que contemplatif. Cependant on peut se demander si l'auteur va vraiment au bout des choses et de son propos ?