Des migrants et des dieux
Hospice du Simplon sur territoire helvétique: Fortuna, une éthiopienne mineure se retrouve enceinte de Kadir, majeur. Ce qui constitue une entrave morale. Mais la foi qui emplit la jeune fille la convainc de garder son enfant. D'où un dilemme pour la communauté religieuse l'hébergeant et son chef qui doit la préparer à l'évidence que cet enfant ne connaîtra jamais son père. Lorsque Kadir disparaît après un contrôle de police, Fortuna est décidée à le retrouver, quitte à mettre sa grossesse en danger.
Le parcours humain est souvent semé d'embûches. Et Fortuna n'est pas épargnée: séparée de ses parents, livrée à elle-même, cet embryon grandissant en elle lui inspire un futur serein. Or, la réalité politico-juridique la rattrape.
Ce qui est frappant dans cet opus en noir et blanc de Raoux (choix judicieux) est que pendant le premier quart-d'heure, un sentiment de mépris relatif à l'attitude de Fortuna nous emplit et une question nous vient en tête: ne croit-elle pas au Père Noël en espérant trouver l'amour de sa vie?
La réponse apportée est saisissante: non pas par des séquences inutiles voire larmoyantes, comme il eut été facile de le faire, mais par une profonde remise en question de la Foi et une sorte de symposium multi-religieux.
Et le coup d'éclat vient de l'issue laissée librement à l'interprétation du spectateur. Et deux points de vues s'opposent avec chacun sa raison légitime: le deuil d'un rêve ou le commencement d'une nouvelle vie? Le regard de la jeune Kidist Siyum Beza nous émeut et la force de la voix de Bruno Ganz nous fait méditer et mesurer la limite entre l'humainement correct et le politiquement impossible.
A recommander vivement...