Dans les néons de Marseille, l’ombre d’un père

Dans Fotogenico, Marcia Romano et Benoît Sabatier transforment le deuil en une quête à la fois burlesque et poignante. Le film suit Raoul (Christophe Paou), un père détruit par la mort de sa fille, à travers un Marseille qui n’a jamais semblé aussi irréel. Saturé de néons et de musique post-punk, le film fait de la ville un décor hypnotique où la réalité et l’imaginaire se confondent.

Raoul, tout en désordre, débarque à Marseille pour retracer les derniers moments de sa fille. Il découvre qu’elle avait secrètement enregistré un album avec son groupe, Fotogenico, et décide de reformer ce groupe pour honorer sa mémoire. Mais cette quête, loin d’apaiser son chagrin, le plonge dans un cycle de rencontres étranges et d’échecs. Marseille, ici vidé de sa population habituelle, devient une sorte de labyrinthe, bien loin de la ville vibrante qu’elle est dans la réalité.

La force du film repose sur la performance de Christophe Paou. À la fois pathétique et touchant, il incarne un homme déboussolé, incapable de s’arrêter, comme s’il cherchait à fuir lui-même. Qu’il soit en costume froissé ou en slip, Raoul oscille entre humour et tragédie. Son visage, tour à tour figé et animé par des spasmes nerveux, raconte une histoire aussi poignante que celle du film.

Les personnages secondaires, notamment Lala, Tina et Brune, sont des figures fantasques qui croisent sa route. Chacune incarne une part du mystère que Raoul tente de résoudre. Mais son plus grand adversaire reste Lekooze, un dealer excentrique qu’il tient pour responsable de la mort de sa fille. Ces interactions, souvent absurdes, créent un mélange détonant entre comédie et tension dramatique.

Visuellement, le film se distingue par son esthétique colorée et ses choix audacieux. Les réalisateurs utilisent les néons, les graffitis et la musique eighties pour construire un univers qui reflète l’état d’esprit fragmenté de Raoul. Cette abondance visuelle, parfois excessive, contribue à plonger le spectateur dans le chaos émotionnel du personnage principal.

Fotogenico n’est pas un film qui cherche à résoudre le deuil. Il s’attarde plutôt sur son absurdité, sur ces moments où rien n’a de sens, où avancer devient un acte purement instinctif. Malgré ses défauts — notamment l’impression d’un Marseille trop stylisé pour être vrai — le film fascine par son énergie et son originalité.

Entre comédie et drame, Fotogenico est une exploration visuelle et émotive de la perte, portée par la performance inoubliable de Christophe Paou. C’est un film qui, à défaut de livrer des réponses, invite à embrasser le désordre de la vie et de la mort.

HaroldFouques
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le 26 déc. 2024

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