Basé sur une histoire vraie, Foxcatcher s'engage sur un terrain balisé. Ce n'est pas une success story ou une contre-success story, mais le récit d'une transition pour un sportif de haut niveau. Celle-ci se déroule sous l'égide d'une relation ambiguë, entre le champion de lutte Mark Schultz et le mécène John du Pont. Cet héritier issu de la haute société tente de réparer ses blessures en montant et finançant une équipe de lutteurs, dont les efforts actuels sont concentrés sur les JO de Séoul (1988). Mark Schultz devient son poulain fétiche, qu'il suit toujours de plus près, investi et exhibe à un niveau plus personnel, par exemple en en faisant un de ses trophées lors d'une réception prestigieuse.
La relation est mortifère dès le départ et la mise en scène au diapason ; elle est triste et pointilleuse, mélancolique sans couper le souffle. L'ambiance est trop dépressive pour laisser la place à une anxiété directe, tout comme les oripeaux de la gloire, la vanité du champion marchant son triomphe, sont totalement absents. En revanche une inquiétude se mêle à la lourdeur du climat. Elle est difficile à communiquer et à voir pour celui qui la vit, mais elle ne perd rien de son évidence ; le problème, c'est qu'elle est tributaire des illusions qui font marcher John et Mark. Ils ne sont pas plus heureux, ils n'avancent pas vers le salut, néanmoins chacun trouve son compte dans cette réalité précaire, un peu grotesque, déjà trop pour inspirer les larmes ou la moquerie.
L'introduction est des plus rédhibitoires ; sitôt ces dix minutes écoulées, Foxcatcher se met sur les rails. C'est un mélo où personne n'arrive à crier, où les victimes sont moralement tétanisées, tout en connaissant leur chemin. Comme dans Fighter (où la perspective est plus sociale), le sportif en quête de réussite est dans une position inconfortable, avançant sans garantie, aimanté par les siens mais épuisé d'être leur otage. John lui-même est un fardeau et un soutien ; c'est l'homme providentiel dont il avait besoin pour s'émanciper de son statut de frère d'un champion, afin de briller pour lui-même. C'est aussi un cadeau empoisonné avec menace d'implosion ; un homme pas vraiment né, le traitant comme un objet qu'il aime tendrement. Le personnage campé par Steve Carell, plutôt abonné aux comédies, est trop névrosé et en besoin pour être la figure paternelle qu'il aimerait être ; il ne saurait même pas être un coach. Il a les moyens, y compris d'écrire la version officielle à son avantage ; mais il n'a pas le caractère nécessaire pour former une famille et la mener vers l'épanouissement.
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