Laurent Cantet m'a surpris avec ce film. Son évolution est conséquente et le décalage avec ses films français se ressent. En positif !
Enfin ! Foxfire a une adaptation digne de ce genre. Le film est fluide bien qu'homogène. L'homogénéité a cette qualité de rendre un univers singulier, un discours qui se distingue mais
elle a ce défaut de ne servir qu'un point de vue (quand il ne s'agit pas d'impasse tout bonnement).
La simplicité des enjeux mêlée à une redondance des actions ronge l'histoire mais... que c'est peu de choses comparé au thème, à la mise scène et images, aux interprétations aussi.
Mais une question fondamentale et d'ordre politique donne un intérêt à cette histoire. Même si je le pouvais, je ne m'attaquerai pas à la vision non-mixte de ce féminisme. En effet, Foxfire est l'histoire d'une stratégie antipatriarcale qui s'exprime au travers de la marginalité. Quoi de plus légitime ! Mais est-ce un message politique viable que de se séparer de la société des hommes quand la marginalité pousse ces femmes à bafouer l'intégrité morale de leur stratégie collective ?
Non, ce message donne naissance à une dégénérescence courue d'avance. Il n'existe pas d'îlot de pureté tant que les lignes dures - selon l'expression de Guattari - du pouvoir dominateur restent en place (je fais une spéciale dédicace à mes copains anarchistes et autres décroissants mal lunés). Je reprends : il n'existe pas de sécurité autre que celle de la lutte collective et massive. Et je parle de luttes, je ne parle pas de cette marche lente et progressive de l'humanité (gnagnagna).
Les options individualistes sont faites d'illusions et apparaissent comme une défense dictée en réaction du système dominateur. Et plutôt qu'une défense / qu'une retraite dans une maison de campagne, c'est attaquer qu'il fallait. Attaquer, cela signifie donner des perspectives pour toutes les femmes. Attaquer, c'est beau. C'est toujours beau. Cela contredit certes les stratégies individualistes et prête à l'emploi mais sur le long terme, la promotion d'une idée dans les coeurs peut conquérir tous les coeurs.
Maintenant, sortons du film. Pensons à extrapoler le problème posé par la marginalité au travers de la décroissance, par exemple, ou... par les systèmes communistes dans un seul pays ou... ces villages solidaires comme Christiana ou Marinaleda ou Auroville. Si vous êtes convaincu que ces villages sont sur une base plus humaines, ils demeurent hélas dans une défense permanente. Ils sont limités dans leurs perspectives. Limités, démobilisateurs, contre l'extension de la lutte, sans parler du caractère réformiste et réactionnaire des fondements politiques qui animent cette marginalité. Il n'existe pas de marginalité créatrice. Un système de pensées qui sort trop hâtivement de ce que vivent les autres hommes et femmes dans une société, et ce qu'elles que soient les raisons, même les plus exemplaires !), le fonctionnement de ce système est voué nécessairement à dégénérer.
Foxfire, pour cette raison, nous apprend beaucoup pour la lutte. Et si j'insiste beaucoup sur la question, c'est parce que l'image finale se termine là-dessus. Peut-être que "Legs" est au côté du Che à Cuba*** Une telle trajectoire lui correspond bien.
Quiconque s'est intéressé à la révolution cubaine sait que cette révolution n'était pas le consentement populaire. "Legs" fait alors partie de ces reclus de la jungle qui vivent avec une intégrité politique peu souhaitable. Pourtant, à l'origine, la lutte était belle et légitime. Leurs idéaux sont toujours aussi souhaitables mais... en pratique, le groupe est dégénéré, cette révolution est dégénérée dans sa naissance parce que menée dans la marginalité, parce qu'elle n'est pas menée au contact de la réalité de l'ensemble de la population.
Legs est une déboussolée pour ainsi dire. Celle qui croit à une ligne de fuite possible dans l'immédiat.
C'est pourquoi dans la lutte, il ne faut jamais se séparer de la réalité de ceux et de celles qui nous entourent, tout en mettant en place les conditions pour attaquer. C'est une drôle de position, c'est bourré de sacrifices, d'explications et d'ennuis mais la lutte est si belle !
Note : ***C'est peut-être au côté des Farcs, je ne sais plus... Mais bon, ça ne change en rien à mon commentaire critique.