Si j’avais très envie d’aimer Foxtrot, ne serait-ce que pour emmerder Miri Regev, l’insupportable ministre de la culture israélienne, sorte de croisement de Laurent Wauquiez et Nadine Morano rappelant constamment par sa vitupérante stupidité que le problème d’Israel est le même que celui de tous les pays gouvernés par une droite dure, populiste et teubée, force est de constater que ça n’est pas le cas.
Si Samuel Maoz fait preuve d’un sens de la mise en scène diablement sophistiqué (big up aux prises de vues aériennes en appartement, à la première séquence du film et à l’absurdité routinière et poétique des scènes de checkpoint), son propos est trop dogmatique et cousu de fil blanc pour faire vraiment mouche.
Surtout, la scène centrale, celle qui a voué le film aux gémonies de la bande à Bibi, pose réellement problème.
Évidemment, on devinera sans mal le caractère allégorique de la scène,
une bavure littéralement enterrée par un bulldozer de Tsahal
faisant écho aux traumatismes enfouis de la société israélienne. Malheureusement, la situation d’Israel sur la scène internationale est telle que rien de ce qui concerne le pays ne saurait être anodin, surtout pas un film. On peut le déplorer, mais la liberté de créer d’un artiste israélien est aujourd’hui nécessairement en balance avec une certaine forme de responsabilité quant aux récupérations dont il pourrait faire l’objet, y compris quand il reçoit le Lion d'Argent à Venise.
Ca, Samuel Maoz s’en carre le cul (probablement à raison) parce qu’il ne s’adresse pas au monde entier mais à ses concitoyens. A ceux qui comme lui ont sacrifié une partie de leur jeunesse sur les champs de bataille. A cette société dure et sur le qui-vive qui n’arrive pas à échapper à la fatalité de la guerre (cf la dernière scène, éloquente) et qui est sans cesse ramenée à son point de départ (d’où le titre).
Mais là encore, malgré les bonnes intentions et les trouvailles visuelles à l'avenant, le faux rythme maniéré du film le réserve à une poignée de spectateurs, lesquels partagent probablement déjà les opinions du cinéaste.
Et même pour eux, le film aurait gagné à être moins apprêté formellement (le découpage en trois tableaux), plus radical. En l'état, il vire par moments à la caricature de film d’auteur, jusque dans sa direction d’acteurs, en particulier les plus jeunes.
Reste un je-ne-sais-quoi de profondément touchant dans le regard hagard et tout en souffrance intériorisée de Lior Ashkenazi et une dernière scène, portée par Sarah Adler, en forme de respiration rappelant qu’en dépit de tout, la société israélienne vit. Et finalement, c'est peut-être ça le plus important.