Alors je ne sais pas trop si c'est juste ce film de Sokourov que j'apprécie, ou si comme avec d'autres réalisateurs je vais pouvoir en voir d'autres sans trouver ça totalement insupportable comme proposition de cinéma. Mais toujours est-il que d'habitude son cinéma m'ennuie profondément, je vois bien quelques idées, mais ça ne me parle pas du tout, je trouve ça bien trop perché, tout en étant assez lourdingue et en plus je n'aime pas la photographie de ses films...
Mais ce film là, je l'ai aimé. Alors, au départ, j'avais vraiment des doutes, le générique avec la conversation assez chiante juste sur juste un fond noir et blanc et le générique qui défile à côté... j'avais un peu cette impression qu'on se fout de ma gueule. Mais assez vite j'ai été pris dans le rythme, l'alternance entre les différentes formes de récit, les reconstitutions, les images d'archives, Napoléon qui ère dans le musée du Louvre en disant : "c'est moi" désignant à la fois sa représentation sur les tableaux, mais surtout la création du Louvre, les œuvres ramenées de ses campagnes militaires, etc.
Pour la première fois j'ai senti la poésie dans l’œuvre de Sokourov. Il faut dire que le sujet m'intéressait et surtout qu'étant donné que Sokourov est russe, il a une vision totalement différence du Louvre, de Paris, de l'occupation que l'on peut avoir en France, une vision moins manichéenne, une vision moins "tous les nazis sont méchants". Ce qui rend le commentaire, le propos du film, vraiment intéressants.
Par exemple j'ai adoré voir la vie parisienne reprendre sous l'occupation ; c'était à l'opposé de ce que l'on voit d'habitude. Ici, les gens reprenaient leur vie normale, sans rien dire... La vie ne s'arrête pas avec l'occupation. Tout comme le film ne semble pas blâmer outre mesure Pétain, il replace dans son contexte qui était Pétain, ce qu'il a pu faire (notamment lors de la première guerre mondiale), ce qui fait que le film a un ton plus ambigüe. Il ne s'agit pas ici de trouver les nazis géniaux, etc, mais plus de remettre les choses en perspective, pas de manière objective, car tout est vu du point de vue de Sokourov, mais un point de vue intéressant tout de même !
Je crois que ma séquence préférée reste celle qui clôt le film. Les deux acteurs principaux, un français et un nazi, qui ont œuvré ensemble se voient raconter leur futur, que l'Allemagne va perdre la guerre et ce qu'il adviendra d'eux. On voit le français nier ça et le nazi tétanisé par ce qu'il vient d'apprendre. La séquence est assez longue et surtout on a un plan fixe final sur les deux qui ont des réactions différentes, mais très vraies toutes les deux.
Et puis comme dit, j'ai adoré voir Napoléon et Marianne parcourir le musée, commenter les œuvres... Notamment lorsqu'il voit "Bonaparte franchissant les Alpes" de Delaroche (qui lui est postérieur), il est fier de montrer sa représentation, et puis on lui fait remarquer qu'il est sur un âne... (D'ailleurs autant j'aime ce tableau, autant celui de David...)
C'est un film imparfait, qui fourmille d'idées et que je trouve moins perché dans une sorte de recherche spirituelle ou de rapport spirituel à l'art qui ne me parle pas du tout.