Roman Polanski en 1987, je n'en étais pas fan ; à part le Bal des vampires et Chinatown, je ne raffolais pas de ses films, j'avoue que Frantic m'avait agréablement surpris, je n'attendais pas de sa part qu'il sacrifie au film de genre (un thriller américain tourné à Paris, avec une grande star et en employant une grosse équipe française) avec une telle virtuosité. En même temps, et c'est ça le plus étonnant, Polanski livre un film d'auteur, un polar néo-noir, haletant, à l'angoisse diffuse et au danger latent qui peut surgir à tout moment, à la manière de Hitchcock auquel il rend un hommage implicite.
Le thème de l'étranger perdu dans une grande ville qui n'est pas la sienne et dont il ne parle pas la langue, n'est pas nouveau, ça avait je pense été utilisé déjà à Hollywood, mais ce film inspirera d'autres projets, on peut en effet penser à Taken. Ce qui est très intéressant, c'est la façon dont le réalisateur évite les clichés touristiques et l'idée conventionnelle que les Américains se font de Paris, ici, il n'y a pas de plans obligés de la tour Eiffel, ou alors on la voit de loin comme un repère, Polanski donne de la capitale une vision inquiétante, hostile et angoissante, il montre un Paris que les Américains ignorent, glauque, celui de la nuit, des petits trafics minables et du bandistisme sordide où un Américain qui n'en garde qu'une image idéalisée d'après guerre, se retrouve plongé en plein cauchemar.
L'étranger est placé dans un milieu qu'il ne comprend pas, où la fatalité s'abat sur des innocents, où à l'épouse disparue et dont le sort reste longtemps incertain, se substituent des sortes d'alliés ou de complices qui peuvent l'aider dans sa quête (le réceptionniste de l'hôtel incarné par Gérard Klein, Michelle incarnée par Emmanuelle Seigner). En fait tout tourne autour de la valise de Michelle qui ressemble à une boîte de Pandore.
Le suspense est remarquablement dosé, Polanski a tissé dès le début une ambiance qui devient de plus en plus menaçante, et Harrison Ford excelle dans son registre à jouer le gars paumé et démuni, en promenant son regard de fauve fatigué sur un rythme infernal et une progression rigoureuse.

Créée

le 21 août 2020

Critique lue 799 fois

35 j'aime

16 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 799 fois

35
16

D'autres avis sur Frantic

Frantic
JimBo_Lebowski
7

Cauchemar parisien

Un bon Polanski, même assez surprenant d'ailleurs (considéré comme mineur dans sa filmographie), avec un très bon suspense et un scénario bien ficelé. L'histoire, un américain à Paris recherche sa...

le 10 juin 2014

20 j'aime

2

Frantic
Kalès
6

Harrison Ford versus Paris

Autant le dire tout de suite, ce film est complètement invraisemblable : il suit "les pérégrinations d'un américain parti en weekend à Paris dont la femme est soudainement kidnappée par des méchants...

le 21 févr. 2011

18 j'aime

4

Frantic
Ticket_007
7

"Sueurs froides" pour anti-héros !

Bizarre... Bizarre... Oui, on dit bizarre...Bizarre à propos de ce film de Roman Polanski. Dans la mesure où son intrigue politico-policière s'avère finalement moins déconcertante que son titre. Au...

le 7 févr. 2018

15 j'aime

9

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

123 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

98 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

96 j'aime

45