Interminable deuil
Avant tout mitigé, perplexe et pas entièrement convaincu, me voici un peu embarrassé face à ce dernier projet de François Ozon, qui, osons le dire, n'est pas totalement clair et fait du sur-place...
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le 8 sept. 2016
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Dans Frantz de François Ozon, nous sommes transportés en 1919 au sortir de la première guerre mondiale. L'humanité tout entière est en deuil (le syndrome du nid vide) et par conséquent, tout le film est empli d'une grande tristesse. Le noir et blanc montre la morosité de l'après guerre, cette jeunesse désabusée qui a vue trop d'horreurs et qui a perdue l'envie de vivre, alors que la couleur montre l'insouciance et la joie passée.
Première chose qui frappe en voyant Frantz, c'est la question du sous-texte homosexuel ! A un moment donné, j'étais même persuadé que c'était le secret bien caché par Adrien, le personnage interprété par Pierre Niney. Plusieurs scènes vont d'ailleurs dans ce sens ! J'ai même eu du mal à croire qu'Adrien ait véritablement fait ce qu'il dit avoir fait ...
c'est à dire, qu'Adrien ait vraiment tué Frantz sur le champs de bataille et que c'est à ce moment là qu'il le voit pour la première fois.
La relation amoureuse Adrien-Frantz n'existe pas dans le film, mais le cinéma de François Ozon nous a tellement habitué à ce genre de liaison, qu'on est poussé à avoir cette (re)lecture du film. Peut-être que François Ozon lui-même amène cette ambiguïté, sans forcément s'en rendre compte, mais j'en doute ... tout dans sa mise en scène et dans son écriture, tend à laisser planer le doute. C'est l’art de l’iceberg ... l’écriture la plus puissante n’est pas tant ce qui est dit, que ce qui n’est pas dit.
Un autre point fort du film, c'est son casting. Que ce soient les acteurs allemands ou français, tous sont impeccables. Pierre Niney en tête, est excellent dans le rôle d'Adrien, un jeune homme torturé, tourmenté et étouffé par la culpabilité. Quand à Paula Beer, l'actrice allemande qui lui donne la réplique, elle mérite amplement le prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir féminin décerné à la Mostra de Venise. Je lui trouve une certaine ressemblance avec Romy Schneider, avec cette aura mystérieuse qui vous magnétise. Elle dégage vraiment quelque chose de fort. Et puis mention spéciale à Cyrielle Clair qui joue la mère castratrice d'Adrien. Elle est à la fois belle, élégante et d'une froideur redoutable. Elle n'est présente que sur quelques scènes, mais alors sa prestation est remarquable.
Dernier point essentiel du film, c'est la mise en scène très stylisée et recherchée de François Ozon. On sent qu'il a étudié chaque plan du film et qu'il n'a rien laissé au hasard. Ainsi, quand ressurgit le passé, l'image passe en couleurs (les faux flashbacks et le morceau de violon). A contrario, quand Anna (Paula Beer) avance pour retrouver Adrien ce n'est plus Franz (Anton von Lucke) qui l'intéresse, mais bien quelque chose de nouveau, c'est à dire son futur avec Adrien (donc noir et blanc). Et pour parler un peu de symbolisme, dès le premier plan du film, François Ozon annonce la couleur (sans mauvais jeux de mots). On voit les branches des arbres au premier plan en couleurs (donc le passé) et le village en arrière plan est en noir et blanc. On quitte le premier plan (le passé) pour entrer dans le village allemand (le présent).
François Ozon joue donc avec la pluralité des sens et ça ne se résume pas seulement à la mise en scène (le jeu avec les couleurs et le noir et blanc), mais aussi dans l'écriture où il y a de nombreux sous-textes et mensonges. Frantz peut être interprété de différentes façons et personnellement j'adore ce genre de films à plusieurs niveaux de lectures. L'ambiguïté générale plane tout au long du film. Il y a beaucoup de mensonges (ceux d'Adrien, mais aussi ceux de Nina envers sa famille) et beaucoup d'incompréhensions entre les personnages. Comme Alfred Hitchcock, François Ozon s’affranchit d’emblée de la question de la réalité et joue avec nos nerfs. L'ambiguïté, l'illusion et les faux-semblants règnent en maître et c'est ce qui fait le principal intérêt du film de François Ozon. Et même si je n'adore pas toute sa filmographie, je commence à apprécier de plus en plus ce cinéaste iconoclaste !
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le 6 sept. 2023
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