Reconnaissons-le d’emblée : il y a quelque chose de fortement réjouissant à voir débarquer dans les salles française un projet populaire italien aussi ambitieux que Freaks Out. Ample reconstitution de l’Occupation mêlée à une variation sur les super-héros, le film s’impose dans une exposition qui déploie tous les charmes possibles d’une superproduction. Les décors et la direction artistiques sont tout à fait convaincants, les espaces profus, et la caméra de Gabriele Mainetti prend un malin plaisir à les arpenter pour un disséminer sa galerie d’étranges personnages.
Les influences sont évidemment multiples : cette bande de X-men évolue ici dans un cirque qui fait la part belle aux bêtes de foire, appelant jusqu’au titre la volonté de sortir du chapiteau les créatures de Tod Browning. Le goût pour l’étrange et les dorures de l’image convoquent un peu de Burton et beaucoup de Del Toro, dont le dernier opus Nightmare Alley, se passe d’ailleurs presqu’à la même époque, et aussi dans un cirque.
Toute la première partie construit avec pertinence son entreprise de séduction : le show du cirque qui présente les aptitudes des protagonistes ménage de très fluides transitions, et le gigantesque chapiteau nazi aux performances grotesques et fascistes lui offre un spectaculaire contre-point. L’intrigue, relativement convenue, varie intelligemment les espaces et approfondit la question de l’altérité, parmi le groupe initial, mais aussi les partisans mutilés et même un nazi cherchant ses pairs pour conjurer la défaite qu’il a pu voir dans le futur. Cette idée, qui vient étoffer une narration déjà touffue, permet une certaine excitation (des morceaux de musique anachroniques, des dessins incongrus) et achève de faire de cette ample ouverture une rampe de lancement très prometteuse.
Toute cette plantureuse reconstitution alliée à des exploitations fantastiques s’enrichit en outre d’un traitement à l’européenne qui fait plaisir : la violence est plus nette, la sexualité explicite et le grotesque moins lisse.
… Cette singularité se révélera néanmoins en berne dans la deuxième partie, qui va céder à toutes les facilités les plus poussives du cinéma académique : une longueur excessive (2h20, avec une bonne demi-heure de gras), des montées poussives dans certaines scènes (la révélation du pouvoir dans le four, le numéro avec le tigre) et, surtout, un final de film de guerre éreintant de redondances. Les facilités scénaristiques visant à faire converger tous les personnages, pour faire défiler scolairement chaque aptitude au service de l’action les instrumentalise grossièrement, alors que leurs caractères avaient dans un premier temps pu se tremper dans une véritable incarnation. Le show pyrotechnique et balistique emporte toutes les bonnes intentions, comme si l’ambition devait forcément sacrifier à la grandiloquence. On gardera en souvenir le petit frisson d’un cinéma à l’ancienne que visitait joyeusement toute cette première partie, en espérant qu’elle augure du futur travail de Mainetti, qui semble avoir du cinéma à revendre.
(6.5/10)